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33e dimanche ordinaire A - 19 novembre 2017
 

Entre dans la joie de ton maître

La parabole des talents

La parabole des talents
Andrei Mironov, 2013
Huile sur toile, 60 x 50 cm (Wikipedia)


La parabole des talents : Matthieu 25, 14-30
Les lectures : Proverbes 31, 10-13.19-20.30-31 ; Psaume 127 (128) ; 1 Thessaloniciens 5, 1-6
Les citations bibliques sont tirées de la Traduction liturgique officielle.

Quand il raconte la parabole des talents, Jésus ne s’adresse pas à des adversaires, ni aux foules, mais bien à ses disciples. Cela rend ses propos plus clairs : C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens (Mt 25,14). La passion de Jésus commencera au début du chapitre 26. Il est donc évident que cet homme, qui partait en voyage, représente Jésus lui-même. Son voyage symbolise sa passion et sa mort sur la croix. Mais, avant son départ vers son Père, Jésus confie ses biens à celles et ceux qui le suivent et le servent.

Un maître généreux qui fait confiance

Le maître de la parabole a une grande confiance en ses serviteurs. Cela devient plus évident encore quand on constate les sommes astronomiques que le maître confie à ses serviteurs. Un talent vaut six mille deniers et le denier représente le salaire d’une journée pour un travailleur agricole. Cinq talents équivalent donc au salaire de trente mille jours de travail ! Le maître distribue généreusement et abondamment ses biens.

La responsabilité du serviteur dans le temps de l’absence

Dans sa parabole, Jésus passe rapidement sur l’activité des serviteurs pendant l’absence du maître. Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître (vv. 15-18). On constate tout de suite la différence entre les deux premiers serviteurs, qui doublent la mise, et le troisième, qui enterre le trésor qui lui a été confié comme on enterre un mort. Rien n’est dit sur la manière dont les deux premiers serviteurs ont fait fructifié leurs talents. Là n’est pas la pointe du récit. La scène principale est celle qui suit et qui se produit « longtemps après » (v. 19).

Un maître généreux qui invite à la joie

Le retour du maître et la reddition des comptes qui s’ensuit est ce à quoi Jésus veut en venir. La façon dont les serviteurs s’adressent à leur maître indique bien qu’il s’agit ici du retour glorieux du Christ ressuscité à la fin des temps. Les trois serviteurs reconnaissent en lui le Kurios, le Seigneur. Le premier et le second serviteur reprennent sensiblement le même refrain : Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres (v. 20) ; Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres (v. 22). Dans les deux cas, la réaction du maître est on ne peut plus positive : Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup (vv. 21a.23a). On ne peut qu’être frappé par la magnanimité de ce maître. Pour lui, le salaire de trente mille jours ouvrables et le salaire de douze mille jours ouvrables ne représentent que peu de chose. Il se réjouit du succès de ses deux serviteurs et les enveloppe de sa joie : entre dans la joie de ton seigneur (vv. 21b.23b).

Une tout autre perception du maître

Mais tout cela bascule avec le troisième serviteur. Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain (v. 24). On a peine à reconnaître dans ces propos le maître généreux de la parabole. Pour le lecteur, le verdict du troisième serviteur a l’effet d’une onde de choc. Rien ne laissait entrevoir une telle dureté. S’il faut en croire le serviteur, « ce maître s’enrichit au moyen de ce qui ne lui appartient pas, exige ce à quoi il n’a pas droit : manifestement, il ne se distingue pas par son souci de la justice. Le serviteur ne s’en prend pas seulement à sa dureté […] ; c’est sa justice qu’il met en cause » [1].

Une perception engendrée par la peur

En écoutant le reste du discours du troisième serviteur, on comprend mieux ce qui a pu brouiller sa vision du maître : J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre (v. 25a). Au lieu de s’enthousiasmer de la générosité de son maître et de faire porter du fruit à ce qui lui avait été confié, comme l’avaient fait ses deux compagnons, il s’est laissé guider par la peur. « En cherchant à faire fructifier l’argent reçu, peut-être l’aurait-il augmenté, mais il pouvait aussi y perdre : il n’a pas voulu courir ce risque, précisément parce qu’il craignait son maître » [2].

Une perception limitée de la justice

En remettant son talent à son maître, le serviteur déclare : Le voici. Tu as ce qui t’appartient  (v. 25b). « Cette manière de voir les choses est claire : en stricte justice, le serviteur s’estime irréprochable ; au nom de cette même justice, il conteste à son maître le droit de lui réclamer plus qu’il ne lui a remis. Et comme il sait bien que son maître veut recevoir davantage, ses explications reviennent à dire : moi, je suis juste, c’est toi qui ne l’es pas » [3]. Le serviteur s’est enfermé lui-même dans une conception tout humaine de la justice en oubliant les paroles du Psaume : Le Seigneur fait œuvre de justice […]. Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour (Ps 102,6a.8).

Une réponse qui surprend

Alors qu’il traitait les deux premiers hommes de serviteurs bons et fidèles, le maître de la parabole voit dans ce troisième homme un serviteur mauvais et paresseux (v. 26a). Le maître reprend même la logique de ce troisième serviteur : Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts (vv. 26b-27). Serait-ce donc que Dieu est injuste? Pas du tout. La réponse du maître nous rappelle que le maître avait le droit de réclamer plus qu’il n’avait donné et que « le serviteur avait le devoir, non pas de prendre des risques ou de faire preuve de zèle, mais au moins de placer l’argent pour en recevoir les intérêts et se conformer ainsi aux intentions de son maître » [4].

Une sentence sévère

S’inscrivant toujours dans le registre de la justice humaine évoqué par le troisième serviteur, le maître agit en juge. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix (v. 28). Et comme si cela ne suffisait pas, il ajoute : Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents ! (v. 30). Nous sommes loin de la joie promise aux deux premiers serviteurs.

Une invitation à changer notre regard

Comment réagir devant une telle parabole? Il est clair qu’il faut choisir le camp des deux premiers serviteurs. Jésus conclut en affirmant : À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a (v. 29). Si les deux premiers serviteurs sont invités à entrer dans la joie de leur maître, c’est parce qu’ils étaient déjà dans un rapport d’amitié avec lui. La confiance du maître leur a permis de faire porter du fruit à ses dons. La peur qui habitait le cœur du troisième lui a fait choisir la mort et les ténèbres en enfouissant son talent. Choisissons donc la vie qui mène à la joie éternelle.

[1] Jacques Dupont, « La parabole des Talents », Assemblées du Seigneur, NS 64 (1969), p. 18-28 (20).

[2] J. Dupont, « La parabole des Talents », p. 21.

[3] J. Dupont, « La parabole des Talents », p. 21.

[4] J. Dupont, « La parabole des Talents », p. 23.

Yvan Mathieu

Source : Le Feuillet biblique, no 2551. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Diocèse de Montréal.

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