INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

4e dimanche de l'Avent A - 18 décembre 2016
 

Joseph et la visite d'un ange

Le rêve de Joseph par Gaetano Gandolfi, 1790

Le rêve de Joseph par Gaetano Gandolfi, 1790

 

 

Joseph et la visite d'un ange : Matthieu 1, 18-24
Autres lectures : Isaïe 7, 10-16; Psaume 23(24); Romains 1, 1-7

 


Dans cette narration, qui suit la généalogie de Jésus (1,1-17), Matthieu recourt à divers modèles bibliques afin d'enraciner Jésus dans une ascendance sacrée. Pour ce faire, l'évangéliste conjugue deux genres : les récits d'annonciations qui confèrent une mission à des appelés de Dieu (voir, par exemple, l'annonciation de la naissance de Samson en Jg 13) et une mise en scène inspirée par le souvenir du patriarche Joseph, célébré comme « l'homme aux songes » et comme un modèle du juste, par sa probité et sa chasteté (Gn 37—38).

La situation 

     Marie, la fiancée de Joseph, est enceinte de par l'Esprit Saint (v. 18). Son époux, un homme juste, projette de la répudier secrètement (v. 19). Dans le judaïsme ancien, les fiançailles constituent un engagement si réel que le fiancé est appelé « mari » et ne peut se dégager de sa promesse que par une répudiation en bonne et due forme. Aucun texte de l'Ancien Testament ne peut justifier le caractère secret de cette répudiation : au contraire, pour être légale, le renvoi de la femme doit être scellé par un certificat officiel (Dt 24,1). La justice de Joseph peut signifier qu'il ne veut pas couvrir de son nom un enfant dont il n'est pas le père, mais aussi, par bonté et gentillesse, qu'il refuse de livrer Marie à la procédure rigoureuse de la Loi, la lapidation (Dt 22,20-21).

     Dans la logique du récit, l'Esprit Saint ne remplace nullement l'élément masculin de génération. Il est, selon la tradition biblique, la puissance par laquelle Dieu agit comme créateur. Et quand Dieu crée, c'est par son Esprit, son « souffle » (voir Gn 1,2; Ps 33,6b; 104,30). Ainsi, pour l'apparition de son Messie, Dieu substitue au processus biologique ordinaire, un acte original de création. Joseph ignorant l'initiative divine, son sens de la « justice » risque de faire avorter le projet de Dieu, à savoir insérer son Messie dans la lignée davidique.

L'apparition de l'Ange et son message

     L'Ange du Seigneur apparaît à Joseph en songe et lui dit de ne pas craindre de prendre Marie, son épouse, car l'enfant vient de l'Esprit Saint (v. 20). Dans la Bible, l'Ange du Seigneur/l'Ange de Yahvé est soit l'exécuteur des ordres de Dieu et son intermédiaire dans ses relations avec les hommes, soit Dieu lui-même 1. Et pour faire connaître son dessein, il arrive que Dieu le révèle par le biais d'un songe 2  ou d'une vision (Ac 9,10-11; 10,3.10; 16,9; 18,9).

     Lors de son apparition, l'Ange commande à Joseph de donner au fils qui naîtra, le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés (v. 21). Bien que Marie soit enceinte du fait de l'Esprit Saint, Joseph, en tant que « fils de David », a un rôle capital à jouer, celui de nommer l'enfant. En nommant l'enfant, rôle réservé au père, il l'adoptera, car dans le monde ancien toute paternité est un acte d'adoption et toute adoption confère les pleins droits de fils à celui qui la reçoit. Par conséquent, l'authentique filiation davidique de l'enfant dépend de l'obéissance de Joseph. Néanmoins, le nom de « Jésus » porte en lui plus que cette filiation puisqu'il signifie « Dieu sauve ».

     Dans le contexte de l'espérance juive au temps de Jésus, l’attente messianique est assez vive et répandue dans toutes les strates de la société. Certains courants du judaïsme et une partie du peuple aspirent à la venue d’un messie/sauveur, fils de David, libérateur d’Israël établissant à jamais le Règne de Dieu, tandis que dans les classes populaires, l’attente messianique détient une forte coloration politique et nationaliste. Or, dans les ouvrages littéraires qui offrent différentes images du messie attendu pour l'établissement du Règne de Dieu, il n'est jamais question d'un sauveur qui libérera le peuple « de ses péchés ». Cette  locution ajoutée par l'évangéliste est une formulation messianique christologique pour préciser que Jésus est un sauveur au point de vue religieux.

Le bricolage matthéen

     La formule du v. 22 : Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète revient fréquemment chez Matthieu (par exemple en 2, 5.17.23). Cette expression ne signifie pas que les événements se produisent exactement tels qu'ils ont été prévus ou annoncés anciennement. Elle permet plutôt de situer les faits à l'intérieur du plan de Dieu. En employant les termes ce que le Seigneur avait dit par le prophète, Matthieu désire préciser ici, comme en 2, 15, qu'il s'agit de la parole du Seigneur. C'est pour l'évangéliste une manière discrète de souligner que Jésus est fils de Dieu. Le titre de fils de David sera donc dépassé (voir 22, 41-46).

     Au v. 23, Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui traduit : Dieu avec nous, Matthieu cite ici le prophète Isaïe (7,14). Ce procédé est significatif : qu'il s'agisse d'Ange, de songe ou de citation biblique, ces représentations convergent en un même acte de foi : Dieu parle réellement dans l'histoire, il s'adresse aux hommes et demande leur collaboration.

     Cette référence appelle toutefois deux remarques. Au début du verset, Matthieu suit la Septante et non la Bible hébraïque dans laquelle il est écrit : Voici que la jeune femme. S'il s'empare de la version grecque, c'est pour y lire la conception virginale de Jésus. À la fin du verset, au lieu de prendre comme référence le texte hébreu « et elle appellera son nom Emmanuel (avec nous Dieu) » ou le texte grec « et tu appelleras son nom Emmanuel », l'évangéliste choisit la formule « on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui traduit : Dieu est avec nous ». Cette modification peut être traduite ainsi : « on invoquera son nom comme l'Emmanuel, ce qui traduit : Dieu avec nous ». Le « on » peut renvoyer à la fin de l'évangile « à toutes les nations » (28,19), c'est-à-dire aux païens, et aux disciples qui croiront en celui qui, faisant un rapprochement avec le terme Emmanuel (Dieu avec nous), déclare « Et moi, je suis avec vous jusqu'à la fin des temps » (28,20). Puisque toute la révélation vétérotestamentaire fait connaître un Dieu proche des hommes, un Dieu présent qui secourt et qui soutient, les derniers mots de l'évangile montrent que, dans le Christ ressuscité, cette présence se poursuit toujours.

La réalisation du message

     À son réveil, Joseph fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse (v. 24). Avec la promptitude du « juste », de l'homme croyant, Joseph exécute sa mission. Par lui, le Messie, conçu en Marie par l'Esprit, est affilié à la lignée de David. La suite du texte « mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus » (v. 25) indique que Joseph n'eut rien à voir dans la naissance de Jésus qui fut un pur don de Dieu aux hommes. Dans le langage biblique, le verbe « connaître » désigne les relations sexuelles (Gn 4,1.17). L'intention de Matthieu est de souligner que Marie était vierge quand naquit Jésus. Le texte n'envisage pas la période ultérieure et de soi n'affirme pas la virginité perpétuelle de Marie, mais la tradition de l'Église la suppose.

La théologie de Matthieu

     Dans ce récit, la préoccupation de Matthieu est de mettre l'accent non sur le caractère virginal, mais sur le caractère divin de la conception de Jésus. Quoique fils d'une vierge, Jésus a été fils de David grâce à l'obéissance de Joseph qui devient l'exécutant du dessein de Dieu. Étant fils de David, Jésus peut se manifester dans la communauté matthéenne, communauté mixte constituée de Juifs et de Gentils. Pour nous aujourd'hui, les croyants, qui lisons le Nouveau Testament, est-il nécessaire pour reconnaître la messianité de Jésus qu'il soit fils de David? 

1 Gn 16,7.13; 21, 17-19; Ex 3,2; Jg 6,11.14; Lc 1,11; 2,9; Ac 5,19; 8,26.

2 Gn 28,10-17; 31,11-13; 37,5-11; 1 R 3,5-15; Mt 2,12-13.22; 27,1.

                                                                      

Béatrice Bérubé, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2512. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
L'art de déjouer les attentes