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2e dimanche ordinaire C - 17 janvier 2016
 

La miséricorde coule à flots

Les Noces de Cana, enluminure du XVe siècle

Les Noces de Cana, enluminure du XVe siècle
Extraite des Grandes heures de Jean de Berry (1409)

 

 

Le signe de l'eau changée en vin : Jean 2, 1-11
Autres lectures : Isaïe 62, 1-5; Psaume 95(96); 1 Corinthiens 12, 4-11

 

En cette Année jubilaire de la miséricorde, le mot miséricorde assaisonne à peu près tout ce que nous vivons en Église.  Voici un dimanche qui vient enrichir ces contenus, s’il est encore possible d’imaginer qu’un ajout puisse être nécessaire!  On pourrait dire que ce dimanche nous entraîne dans l’après-miséricorde.  Une fois que Dieu a accompli son projet miséricordieux, que se passe-t-il?  Les lectures de ce dimanche nous aident à y voir clair.

     Le dimanche nous rappelle d’abord le projet de Dieu : que le peuple ne soit plus jamais à l’abandon.  C’est le propos très vigoureux de la première lecture.  En Jésus, cette grande nouveauté est accomplie.  Cela se révèle dans le puissant symbole de l’eau devenue du vin dans le beau récit de l’Évangile.  Pour prendre soin du peuple, les membres du peuple de Dieu eux-mêmes ont désormais en main tous les dons requis pour que se communique pleinement la bonté divine.  La deuxième lecture le confirme.

     Ainsi, les trois lectures se conjuguent pour orienter notre regard vers les effets constructifs de la miséricorde divine.  Loin d’être une faiblesse, comme le crient certains individus assoiffés de pouvoir et de destruction, la miséricorde est une force de vie, un signe de l’avenir humain déjà commencé par la grâce de Dieu.  Les enjeux de cette proposition sont énormes.  Loin de se cantonner dans le seul domaine spirituel, la miséricorde a des effets sociaux et politiques.

     Les engagements concrets du Pape François dans la crise des migrants en Europe, dès les premiers jours de son pontificat, en témoignent vigoureusement.  Puis le pape a appelé chaque paroisse, chaque monastère, chaque communauté religieuse d’Europe à accueillir une famille déracinée.  Il a alors démontré avec brio que la nouveauté de l’Évangile peut rendre meilleure la vie de tous et chacun.  En explorant les textes bibliques de ce dimanche, ne perdons pas de vue leur finalité bien concrète!  Il nous appartient de rendre visible et palpable le projet de Dieu, inséré dans le quotidien depuis le grand signe de nouveauté donné par Jésus à Cana…

Que le peuple ne soit plus jamais à l’abandon!
Isaïe 62, 1-5

     La troisième partie du livre d'Isaïe est optimiste.  L'exil du peuple n'est pas le dernier mot de Dieu.  Israël l’adultère a flirté avec les idoles.  Israël rentre dans les bonnes grâces de l'époux et du roi.  Les qualificatifs horrifiés, échos d'Osée 1, 6.8, seront choses du passé.  Dieu s'engage même à le faire savoir aux autres nations.  Ce sera aussi visible que la brusque montée de la lumière du matin, avec son coup de chaleur.  De là aussi le vocabulaire rutilant de la générosité divine : la couronne, le diadème, l’épouse, la joie de l’époux…

     Les principaux thèmes de l'évangile, la relation conjugale et la gloire, sont ainsi mis en scène.  Si on explore le texte d’Isaïe jusqu'au verset 9, on rencontre le thème de la nourriture consommée en présence de Dieu.  Ces trois thèmes sont fortement liés.  La fête humaine qui dit l'amour de l'homme et de la femme (la noce) devient image pour dire l'alliance de Dieu avec son peuple.  Cette alliance est ici évoquée dans sa plénitude, lors de la maturité des temps.  Israël n’est plus le dernier mot de Dieu, car l’alliance est proclamée à toutes les nations.  De même que l’évangile voit la qualité du vin s’améliorer, de même l’histoire humaine voit s’élargir la portée du peuple de Dieu.  De multiples voix peuvent désormais proclamer la gloire de Dieu.

Psaume 95 (96)

     Justement, toutes les nations, la terre entière sont invités à reconnaître ce qui revient à Dieu.  Gloire et puissance lui sont rendues, car il est le roi universel.  En soi, c’est une grande nouveauté, et une opportunité pour tout le monde : il gouverne les peuples avec droiture.  Nous voilà loin du cynisme politique corrosif…

Que coule le vin de l’alliance nouvelle!
Jean 2, 1-11

     Cet extrait fourmille de détails et d’allusions à des textes ou des coutumes du Premier Testament.  Ils affirment chacun à leur matière qu’en Jésus s’accomplit l’Alliance offerte jadis par Dieu.  La mère de Jésus personnifie Israël qui éprouve le vide de sa situation sans le Christ.  Ce vide l’incite à s’ouvrir en toute confiance à l’initiative de Dieu.  Dans le signe surabondant de l’eau changée en vin, Jésus affirme hors de tout doute que le bon temps du festin avec Dieu, le festin des derniers temps, est arrivé.  Les temps sont à maturité, le projet bienveillant de Dieu est accompli, et il est à la mesure de toute l’humanité. 

     Voilà pourquoi les spécialistes affirment que le récit de Cana est le modèle, le prototype des signes du quatrième Évangile.  Par la présence et la parole de Jésus, l’alliance première devient nouvelle alliance.  L’enjeu pour la lecture de toute la Bible est énorme.  Ainsi s’exprime Xavier Léon-Dufour : « S'il en est ainsi, le récit de Cana offre au lecteur la meilleure façon de parler du rapport des deux Testaments.  Le vin produit n'est pas surajouté à l'eau, il est l'eau devenue du vin.  De même, le Nouveau Testament ne supplante pas ce qu'on appelle improprement l'Ancien Testament.  Il est, de par la parole de Jésus, le Testament de Dieu devenu nouveau.  Bien qu'on doive reconnaître et valoriser deux étapes dans l'histoire du dessein de Dieu, il n'y a qu'une seule Alliance, trouvant son accomplissement avec Jésus, mais se ressourçant continuellement dans l'expérience d'Israël. » On consultera avec intérêt Lecture de l'Évangile selon Jean I (chapitres 1-4), Paris, Seuil, 1988, pages 241-242.

Que se multiplient les dons de l’unique Esprit!
1 Corinthiens 12, 4-11

     Des membres de la turbulente communauté de la ville portuaire de Corinthe affirmaient la supériorité absolue du « parler en langues » sur les autres dons de l'Esprit.  Pour corriger cette discrimination, Paul promeut la réciprocité de l'amour comme don spirituel suprême.  C’est le sujet du chapitre 13.  Auparavant, au chapitre 12, Paul met en évidence l'activité de l'Esprit dans une variété de dons.  La diversité des activités spirituelles démontre que l'unité ne réside pas dans la conformité.  L'unité se traduit dans le concert de la diversité.

     Les versets 4 à 7 explicitent l'origine commune de tous les dons spirituels.  Le don reçu de manifester l'Esprit est attribué en vue du bien de tous.  Le verset 11 affirme que l'Esprit est à la fois donateur et acteur à travers la pluralité des dons.  Paul désamorce ainsi les prétentions.  Qui peut se justifier d'un don spirituel pour gonfler son ego et mépriser les gens qui n'ont pas reçu le même don?

     Dans la variété des dons des croyantes et des croyants, les projets de Dieu évoqués dans la première lecture prennent corps avec Jésus.  Dans la différence des dons comme dans leur abondance, le témoignage de Jésus se continue dans nos vies engagées.

     Que se passe-t-il quand la miséricorde de Dieu donne tous ses fruits?  Les lectures de ce dimanche regorgent de réponses intéressantes et encourageantes.  De quoi faire oublier les tristes noirceurs hivernales!

 

Alain  Faucher, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2473. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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