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1er dimanche de Carême C - 14 février 2016
 

La Parole est près de toi... dans ton coeur

Tentation du Christ

Tentation du Christ, par Duccio vers 1310.

 

 

La tentation de Jésus : Luc 4, 1-13
Autres lectures : Deutéronome 26, 4-10; Psaume 90(91); Romains 10, 8-13

 

En ce temps du Carême de l'année liturgique C, l'Église est invitée à contempler l'histoire du salut, dans des moments très significatifs.  En effet, on évoque la vie errante des patriarches (1er dimanche),  la foi d'Abraham (2e dimanche),  la vocation de MoÏse (3e dimanche), l'entrée en Terre promise (4e dimanche) et des perspectives d'avenir (5e dimanche). Avec le livre du Deutéronome, amplement cité en ce dimanche, ce parcours vient nourrir notre intelligence et notre coeur, implanter en nous la Parole d'Alliance.

Jésus et le tentateur

     Le récit de Luc nous présente Jésus après son baptême en insistant sur la présence de l'Esprit : Rempli de l'Esprit Saint, (il) quitta les bords du Jourdain; il fut conduit par l'Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon (4, 1-20). L'évangéliste Marc, pour sa part, emploie un terme expressif en indiquant que Jésus fut poussé au désert (1, 12).  Là, Il est confronté à Satan.

     Que peut-on observer chez le diviseur? Dans un premier temps, il assaille Jésus en se référant à la Parole du Père qui déclare, lors du baptême : Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré (3, 23);  il pervertit la Parole de Dieu en essayant de dévier le sens de la filiation de Jésus, de faire voir qu'il n'a pas à faire confiance à son Père, qu'il peut satisfaire sa faim -après 40 jours de jeûne-  par un tour de magie (4, 3). En ce moment, le démon, cherche à convaincre Jésus de vaquer à ses intérêts personnels, de s'octroyer à lui-même le pain en toute indépendance du Père.

     Dans un deuxième temps, l'adversaire du Règne de Dieu s'autoproclame le prince des royaumes de ce monde et demande, rien de moins, que Jésus se soumette en se prosternant (4, 5-6) : comprenons : Jésus tiendrait sa royauté du diable. Le tentateur fait miroiter la puissance, le prestige, la gloire tant recherchés par les puissants de ce monde, qui établissent et exercent leur pouvoir sur leurs subordonnés.

     Dans un troisième temps, le manipulateur que rien n'arrête, recourt aux Écritures saintes pour convaincre (Psaume (91)90, 11-12); il propose à Jésus de se jeter en bas du Temple de Jérusalem (4, 9-11). Un tel prodige serait éclatant, fort utile pour affermir son autorité.  Jésus éblouirait ses frères juifs. Cette séquence fait voir à quel point le démon est le père du mensonge comme Jésus le dira, un jour, à ses interlocuteurs : Votre père, c'est le diable, et vous avez la volonté de réaliser les désirs de votre père. Dès le commencement il s'est attaché à faire mourir l'homme; il n'avait pu se maintenir dans la vérité parce qu'il n'y a pas en lui de vérité. Lorsqu'il profère le mensonge, il puise dans son propre bien parce qu'il est menteur et père du mensonge (Jean 8, 44).

     Devant toutes (ces) formes de tentation (4, 13), Jésus, le Fils bien-aimé, demeure fidèle à son Père -son seul appui-, dans une dépendance confiante, dans l'obéissance qui, seule, mérite hommage et adoration. Bien que tenté, il ne pèche pas, contrairement à Adam. Il refuse de mettre la puissance du Père à son service  personnel, de considérer son Père comme un grand magicien qui élimine les obstacles, les aspérités de la vie. Ce faisant, Jésus devient le premier-né d'une humanité nouvelle. Il est écrit :
Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre (4, 4; voir Deutéronome 8, 3 :.. mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé).

Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras (4, 8; voir Dt 6, 13)
Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu (4, 12; voir Dt 6, 16).

     Ce récit très poignant du combat singulier de Jésus contre les forces du mal est de l'ordre d'une expérience intérieure déterminante dont Il a fait la confidence à un certain moment. Il apparaît pleinement homme, soumis aux forces de séduction. Un grand théologien a affirmé que les trois textes bibliques qui constituent la réponse ne sont pas des formules récitées par coeur, mais des réponses amèrement conquises. On peut les appeler, en un sens plus élevé,  une profession de foi existentielle (H.U. Von Balthasar).
On peut considérer ce moment comme un prélude qui annonce les nombreuses mises à l'épreuve auxquelles ses opposants, les Sadducéens et les Pharisiens, ainsi que ses disciples, le soumettent  au cours de son ministère et de sa passion. Citons certaines séquences : la protestation de Pierre lorsqu'il est question de la passion de son Maître (Matthieu 16, 23); la cène alors que Satan entra en Judas (22, 3); l'agonie où Il supplie ses disciples ainsi : Priez pour ne pas entrer en tentation...(22, 40.46).  Le chemin de l'obéissance filiale emprunté par Jésus nous indique comment être en vérité, en tant que baptisés, des fils et des filles du Père.  Et, en ce début de Carême, la première et la deuxième lecture suggèrent aussi des attitudes et des actes à renouveler.

Faire mémoire des dons de Dieu  

     Le Deutéronome est le livre de l'Alliance. Les versets choisis comme première lecture relatent (26, 5-8) des moments décisifs de l'histoire de Dieu avec son peuple, une histoire de salut. En faisant mémoire des actions et des prodiges opérés par le Seigneur (ton) Dieu (26, 4-5), les Israélites font ouvertement, communautairement une confession de foi. Par l'offrande des prémices, qu'expriment-ils,  sinon une désappropriation, un certain renoncement aux  produits du sol et à leur labeur. Ils refusent une attitude d'autosuffisance et consentent, dans un acte d'adoration, à un don, en reconnaissance des bienfaits reçus de leur Seigneur Dieu : Et maintenant, voici que j'apporte les prémices des fruits du sol que tu m'as donné, Seigneur.  Tu les déposeras devant le Seigneur ton Dieu, tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et, pour tout le bonheur que le Seigneur ton Dieu t'a donné, à toi et à ta maison, tu seras dans la joie  (26, 10).

Le don de la foi

     La Parole est près de toi...  C'est la Parole de l'Alliance révélée à Moïse, c'est-à-dire la Loi. Le texte du Deutéronome (30, 14) est choisi par Paul et appliqué à l'Évangile du Christ Jésus, établi Seigneur de tous les humains, par sa résurrection (Romains, 10, 12-13). Cette confession de foi que le croyant fait sienne, communautairement, de dimanche en dimanche, se fait grâce à l'action de l'Esprit en lui. Cette adhésion de foi ne peut monter que de l'intime de l'être, que du coeur qui, dans le judaïsme ancien, n'est pas le lieu des sentiments, mais « celui des pensées, de l'intelligence et des projets ». Cette foi, reçue au baptême, est un don gratuit à recevoir toujours et sans cesse, à approfondir tout particulièrement  en ce temps de Carême. Elle est cette grâce par laquelle le croyant s'en remet à Dieu, se fie à Dieu qu'il sait fidèle à ses promesses; elle apporte le salut; par elle, Dieu nous considère comme juste. L'annonce de ce salut par la foi constitue un des enseignements majeurs de l'Apôtre des nations. Paul a parcouru terres et mers, a connu persécutions et souffrances, pour annoncer que ...  Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton coeur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, alors tu seras sauvé (10, 9). À la suite de Paul, comme chrétiens, nous sommes appelés, à approfondir notre adhésion de foi au Christ ressuscité et à harmoniser en conséquence notre existence et notre engagement. N'y aurait-il pas quelques questions à se poser : à quel désert, laisserons-nous l'Esprit nous conduire? Notre existence n'est-elle pas trop encombrée, trop possessive? Quelle place laisse-t-elle à la fraternité et au partage?


« Dans son voyage ici-bas, notre vie ne peut échapper à l'épreuve de la tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve; personne ne se connaît soi-même sans avoir été éprouvé... Si c'est dans le Christ que nous sommes tentés, c'est en lui que nous dominons le diable...  Reconnais que c'est toi qui es tenté en lui; et alors, reconnais que c'est toi qui es vainqueur en lui. Il pouvait écarter de lui le diable; mais s'il n'avait pas été tenté, il ne t'aurait pas enseigné, à toi qui dois être soumis à la tentation, comment on remporte la victoire ».

(Saint Augustin, Homélie sur le Psaume 60).

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2477. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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