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Dimanche de la Sainte Trinité B - 31 mai 2015

 

Dieu est au milieu de nous

La Sainte Trinité

La Sainte Trinité, miniature des Grandes Heures d'Anne de Bretagne illustrées par Jean Bourdichon.

 

 

L'envoi en mission : Matthieu 28, 16-20
Autres lectures : Deutéronome 4, 32-34.39-40; Psaume 32(33); Romains 8, 14-17

 

Des trois lectures choisies pour ce dimanche de la Trinité, seul l’évangile contient une allusion explicite aux trois personnes : De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (Matthieu 28, 19). La première lecture, tirée de l’Ancien Testament, ne peut de toute évidence énoncer ce mystère. Il n’y est question que du Dieu créateur. Nulle part d’ailleurs, dans l’Ancien Testament, nous trouvons l’affirmation d’une relation trinitaire en Dieu. Cependant, il est affirmé dans l’Épître aux Romains, que nous pouvons appeler Dieu Père et même Abba, et que c’est l’Esprit qui nous pousse à le faire (v. 15) parce que nous sommes ses héritiers avec le Christ (v. 17). Cette lettre est donc largement imprégnée d’une saveur trinitaire.

L’approfondissement de la Parole

     Comme chacun le sait, aucun récit évangélique n’a été rédigé durant la vie de Jésus. Impossible donc de s’attendre à y trouver des paroles exactes prononcées par Jésus tel un verbatim.  Trente et même soixante ans après la résurrection de Jésus, la communauté primitive, éclairée par l’Esprit, a longuement réfléchi sur l’essentiel du message légué par leur Maître. Sans pour autant dénaturer ou falsifier sa pensée, elle en a gardé le noyau dur, c’est-à-dire l’amande nourricière. De plus, ces premiers témoins ont conservé, en le clarifiant, le message que Jésus a livré, souvent d’une manière voilée car ses auditeurs n’auraient pu saisir ni même supporter ce que l’avenir lui réservait. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le secret messianique. C’est donc ce phénomène d’intériorisation de la Bonne nouvelle qui a permis au rédacteur d’énoncer explicitement le mystère de la Trinité, c’est-à-dire celui d’un Dieu en trois personnes distinctes.

Le message aux nations

     Au temps de Pâques, les onze disciples cheminent vers la Galilée sur l’ordre de Jésus. Le souvenir est précis : Jésus leur avait ordonné de se rendre à la montagne (v. 16). Jésus les avait précédés. Quand les disciples le virent, ils se prosternent mais certains  eurent des doutes (v. 17). Phrase étonnante s’il en est une. Mais j’ajouterais d’un même souffle, que cette attitude nous rassure. Pourquoi donc? C’est qu’elle nous révèle, sans le dire, que les témoins de cette scène n’étaient pas des naïfs. Et de plus, elle vient confirmer que les récits évangéliques ne sont pas teintés de prosélytisme. Cette expérience religieuse, d’une intensité bouleversante, leur fera prendre conscience, en l’approfondissant, qu’il leur faudra dorénavant, de toute urgence, aller vers les païens : Allez donc! De toutes les nations faites des disciples (v. 19).

Le baptême au nom des trois

     Par le baptême, nous sommes appelés à vivre au sein de la vie trinitaire. C’est la vocation chrétienne de tous et de toutes. Baptiser au nom du Père, et du Fils et de l’Esprit n’est pas une formule magique. Elle signifie profondément que le baptême est une plongée (baptizo = trempé) au cœur même de la Trinité. Et de plus, la formule du baptême nous affirme que Jésus sera avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde pour nous aider à garder tous les commandements (v. 20). Voilà ce que les apôtres ont reçu comme consigne. Voilà ce qu’ils ont continué à transmettre depuis cet événement fondateur. Notre Dieu est le Maître de l’Histoire. Histoire qu’il dirige vers l’accomplissement final. Accomplissement au sein duquel la vie trinitaire y agit comme un ferment.

Notre Dieu est trois

     Lors d’un congrès œcuménique, j’ai assisté à une table ronde regroupant des personnes venant de différentes confessions religieuses. La table comptait un musulman, une juive, un bouddhiste et une chrétienne. Pour le bouddhiste, il n’y a pas de Dieu, pour le musulman et le juif, Dieu est l’Unique comme pour le chrétien. La différence vient de ce que Jésus est perçu différemment par ces deux dernières dénominations. En tant que chrétiens, nous sommes les seuls à affirmer la divinité de Jésus. Et, également, que par l’Esprit il est avec nous jusqu’à la fin des temps : Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20). Voilà, en bref, ce que nous croyons et que nous confessons : Un Dieu, Père origine de la vie; un Dieu qui s’insère dans notre histoire en nous envoyant son Fils Jésus; et un Dieu qui est en permanence dans l’espace et le temps par son Esprit. C’est, en somme, ce que les chrétiens expriment au baptême, à l’Eucharistie et à la fin de toutes les prières liturgiques. C’est ainsi que nous proclamons que Dieu est Trinité.

Le Dieu Abba

     La Lettre de Paul aux Romains a dû déconcerter les anciens païens. Jamais au grand jamais ils n’avaient entendu dire que l’être humain est appelé à devenir fils de Dieu : Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit  de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu (Rm 8, 14). Ces anciens païens étaient habitués à avoir peur des dieux. Pour les juifs, cependant, c’était un rappel de l’Ancien Testament. Plusieurs avaient encore la hantise de manquer à l’un ou l’autre des centaines de préceptes dictés par la Loi et durcis par la tradition pharisaïque. Alors se faire dire qu’ils pouvaient s’adresser à Dieu comme à un père, et qui plus est, comme à un papa (Abba) cela dépassait l’entendement. Précisons que dans l’Ancien Testament Dieu est souvent appelé Ab ce qui en hébreux veut dire père mais jamais il est dit qu’il est possible d’emprunter l’expression araméenne abba. Il s’agit d’une familiarité toute familiale réservée aux petits enfants.

L’héritier du Père

     Si Jésus a tout reçu du Père, saint Paul en employant une image juridique chère aux familles juives et païennes, peut conclure que Jésus est l’héritier de son Père. Et puisque le baptême identifie la personne à Jésus, il est normal que nous devenions à notre tour héritiers et héritières avec le Christ : Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi les héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ (v. 17). Avec la résurrection de Jésus, l’humanité vient d’entrer dans la grande famille trinitaire. Et cela, sous l’action de l’Esprit. Depuis la Pentecôte, le dialogue entre les hommes et les femmes et le Dieu de Jésus Christ devient une conversation de famille. Nous ne sommes plus des étrangers mais des familiers. Différence de taille! Nos maux physiques et nos souffrances morales sont reçus et accueillis par un cœur de Père. Notre prière prend alors une tout autre couleur : elle a celle de l’amour.

Un Dieu de proximité

     Même s’il nous arrive de lever les yeux dans la prière, Dieu n’est pas plus en haut qu’en bas. Dieu n’est pas dans un ailleurs mystérieux. Le Dieu Père, Fils et Esprit est au milieu de nous. C’est pour cette raison qu’aimer Dieu c’est nous aimer les uns les autres. Lorsque nous aurons saisi cela, la Trinité cessera d’être un problème réservé aux hautes mathématiques. La Trinité demeurera toujours un mystère, bien sûr, mais un mystère révélé en la personne de Jésus afin de mieux saisir Dieu et ainsi à mieux nous comprendre nous-mêmes. Plus on s’approche de quelqu’un, mieux on le connaît et mieux on l’aime. S’approcher, connaître, aimer ce sont les mouvements trinitaires à approfondir. C’est le travail de toute une vie.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2449. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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