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28e dimanche ordinaire B - 11 octobre 2015

 

Le « bon Maître »

 

 

L'appel du riche : Marc 10, 17-30
Autres lectures : Sagesse 7, 7-11; Psaume 89(90); Hébreux 4, 12-13

 

Les trois lectures de ce dimanche, d'une grande richesse et d'une profondeur incomparable, se conjuguent et s'enrichissent l'une l'autre pour nous faire mieux comprendre le paradoxe évangélique que le récit de Marc développe. Depuis le début de son ministère, Jésus va à la rencontre des hommes, des femmes et des enfants (Marc 5, 1-43; 7,24-30; 10, 13-16). À d'autres moments, des individus s'approchent de lui et font une démarche personnelle; c'est le cas de l'homme qui accourt et s'agenouille devant Jésus - un jeune homme, selon le récit de Matthieu (19, 20).

Trois dialogues

     Cet homme riche manifeste une recherche sincère et loyale de la volonté de Dieu. Il accomplit les commandements de la Loi, et les préceptes mentionnés mettent en relief les devoirs à l'égard d'autrui. Son désir d'avancer sur le chemin du salut le pousse à interroger Jésus de Nazareth, en qui il a confiance, le considérant comme un Maître authentique de vérité qui enseigne ce qui est bon pour les humains, qui révèle le Dieu d'Israël, plein de bonté et de tendresse. N'a-t-il pas libéré son peuple de la servitude de l'Égypte? L'interlocuteur fait une demande qui vise l'obtention d'un bien suprême : la vie en Dieu, avec Dieu : Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? Cet homme remarquable dans sa conduite va toucher le cœur de Jésus qui, posant son regard sur lui, se mit à l'aimer (v. 23), au point de lui offrir une relation plus forte, plus intime qui l'engagera à son égard.

     Pour employer les mots de la Lettre aux Hébreux, la parole de Jésus est énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants comme le formule la deuxième lecture (4, 12). Elle pénètre au plus profond de l'âme, jusqu'aux jointures...; elle juge des intentions et des pensées du cœur (v. 12). La demande du Maître sollicite une réponse qui va s'effectuer dans l'absence de paroles. Deux mots rendent compte du tourment intérieur de l'homme : il devint sombre et il s'en alla tout triste (v. 22). Jésus a lancé une invitation, il s'adresse à la liberté de l'homme qu'il laisse libre. En fait, l'exigence proposée révèle l'interlocuteur à lui-même. Quand celui-ci répondra-t-il à l'appel? Le texte ne dit rien quant au futur.

     Le deuxième dialogue en lien avec l'épisode précédent, met en scène les disciples qui, rappelons-le, ont tout quitté pour suivre Jésus (Marc 4, 16-19). Ils demeurent stupéfaits (v. 24) des propos de Jésus sur les richesses. Ils sont de plus en plus déconcertés (v. 26), anéantis, déroutés, troublés. N'en sont-ils qu'à l'abc d'une compréhension de l'exigence formulée? Constatent-ils à ce moment toute la distance qu'il leur reste à franchir pour entrer dans les mœurs du Royaume que Jésus vient établir?

     Le troisième échange se déroule entre Pierre et Jésus. Les paroles de Jésus accentuent le caractère englobant de l'engagement : À cause de moi et de l'évangile (vv. 28-30).

Les richesses : des embûches sur le chemin du salut?

     Dans la tradition juive, les richesses sont une bénédiction de Dieu. Le roi Salomon surpassait en richesses tous les puissants de ce monde (l Rois 10,23). Si on en fait l'éloge à maintes reprises, il demeure que les prophètes et les sages vont s'attarder aux soucis que cause l'abondance des biens jusqu'à en décrire l'inutilité finale (Proverbes l, 19; 11,4.28; 27,24).

     Reconnaissons cependant que les richesses ne sont pas mauvaises en soi, elles ne sont pas à mépriser. Tout individu, par son labeur, ses talents, ses habilités cultivées parvient à la possession de nombreux biens et se sent quelqu'un d'important. Ce qui peut se produire, c'est l'envie tout naturel de posséder de plus en plus. Les richesses deviennent alors contraignantes, elles emprisonnent. Subtilement, le cœur s'engage dans un attachement immodéré aux biens et entre dans la sphère de la surconsommation. Les humains deviennent esclaves de leur avoir et s'aliènent en quelque sorte. Et l'humanité sombre dans cette situation tragique qu'un pour cent de la population mondiale possède quatre­vingt dix-neuf pour cent des richesses du globe.

Un choix qui appelle un renversement de perspective

     L'évangile ne demande pas de vivre dans le dénuement; il invite à regarder le monde qui nous entoure avec des yeux nouveaux. N'est-il pas possible que l'autre, semblable et si différent -d'ici et d'ailleurs- ait le nécessaire pour s'épanouir, puisse vivre dans une sécurité matérielle et psychologique, et entrevoir la possibilité et le bonheur de travailler à un monde plus solidaire? La parole de Jésus exige le partage des richesses et exhorte les gens de bonne volonté à soulager les pauvres pour que ceux-ci parviennent à sortir de leur dénuement, et qu'ainsi ils vivent leur dignité d'être humain. Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres... Viens et suis-moi. À ce moment, toute personne qui entend et s'engage sur un chemin de libération, se décentre d'elle-même et apprend à lire sa vie, non pas à partir de ses richesses accumulées, mais en considérant la situation du pauvre qui porte en lui le visage du Christ.

     Cette parole de Jésus est une parole de sagesse, celle de l'Alliance où Dieu se donne amoureusement à tous. En Jésus, Dieu se fait pauvre jusqu'à ce que nous devenions riches de Lui.

Tout quitter pour recevoir au centuple

     Les oppositions et les mots lourds de sens ne manquent pas dans le texte : faire pour avoir (v. 17), quitter pour recevoir (v. 28), impossible à l'homme, mais possible pour Dieu (v. 27), avec des persécutions ici-bas et la vie éternelle dans le monde à venir (v. 30). On entre à plein dans le paradoxe évangélique. Paul, jadis, disait : car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort (2 Corinthiens 12, 10; 11, 21-30). Ici, en Marc, l'invitation à suivre Jésus est juxtaposée à l'impossibilité de prendre une telle décision et de se mettre en marche à la suite du Maître. S'il est si difficile d'abandonner ses possessions pour posséder la vie de Dieu, il faut en conclure que tout dépend à la fois de la liberté du croyant et de la grâce de Dieu à recevoir. Il y a un passage à faire, la reconnaissance et l'acceptation de sa pauvreté intérieure -d'un vide, d'une béance-, pour accéder et goûter à l'action puissante et réconfortante de la Parole de sagesse. La vie éternelle ne s'achète pas, elle se reçoit (v. 30) comme un don gratuit. C'est Jésus, en sa personne, qui renferme la plénitude de la Loi, et son enseignement, nouveau et radical, se concrétise dans les persécutions (v. 30) et le supplice de la croix. L'offrande de sa vie pour que tous aient la vie. Et la résurrection dans le monde à venir (v. 30).

Vends tout ce que tu as...

Veux-tu honorer le Corps du Christ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l'honore pas ici avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité. Car celui qui a dit : Ceci est mon corps est le même qui a dit : Vous m'avez vu affamé et nous ne m'avez pas nourri. Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d'or, quand lui meurt de faim? Rassasie d'abord l'affamé et orne ensuite sa table.

Tu fabriques une coupe d'or et tu ne donnes pas une coupe d'eau. En ornant sa maison, veille à ne pas mépriser ton frère affligé : car ce temple-ci est plus précieux que celui-là.

Saint Jean Chrysostome   

 

 

Julienne Côté, CND

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2459. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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