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4e dimanche ordinaire B - 1er février 2015

 

Un Dieu qui libère

Œuvre de Duccio vers 1310

 

 

L'homme tourmenté par un esprit mauvais : Marc 1, 21-28
Autres lectures : Deutéronome 18, 15-20; Psaume 94(95); 1 Corinthiens 7, 32-35

 

L'évangile de la liturgie de ce dimanche présente l'éternel combat entre le bien et le mal. Jésus, le bien absolu, lutte contre le mal, un esprit démoniaque, qui a pris possession d'un être humain. L'évangéliste Marc exprime cette confrontation dans les catégories culturelles de son époque. Dans l'Antiquité, la présence du surnaturel était partout. Les catastrophes naturelles, tout comme les maladies étaient causées par des esprits malins. Une personne malade était punie par Dieu pour des transgressions faites à sa volonté divine. Elle est écartée par la société. Dans la société israélite, le mal est aussi synonyme d'impureté. L'impureté signifie qu'une personne ne peut pas prendre part au culte. Elle ne doit pas être mise en présence de la pureté parfaite, le Seigneur Dieu. La mise à l'écart des lépreux évoquée par les divers évangélistes illustre cette mentalité.

La valeur ultime de Dieu

     Aujourd'hui, la science a fait évaluer cette perception du monde. L'être humain sait désormais que la maladie et les catastrophes sont causées par des causes naturelles. Le mal, dans nos sociétés technologiques, n'est plus un agent qui intervient sur les personnes. Il est plutôt profondément ancré dans la conscience humaine. Les baptisés ont un mot pour désigner ce mal intérieur  : le péché. Et, le péché, dans sa définition la plus essentielle, constitue à ne pas considérer le Christ comme la valeur ultime de son existence. L'argent, le pouvoir, la gloire et d'autres biens terrestres peuvent supplanter Dieu dans le cœur des personnes. Reconnaître Dieu comme le moteur principal de sa vie implique aussi que le baptisé reconnaît qu'il est totalement dépendant du Christ. Sans Lui, il est incapable d'entrer dans le Royaume et, ainsi, de connaître les félicités éternelles. Cette reconnaissance est particulièrement difficile dans certaines sociétés où la liberté humaine, la capacité de faire des choix sans contrainte extérieure, est devenue la valeur absolue. Toute dépendance, même par rapport, rebute les personnes formées dans cet esprit libertaire. Le péché, le fait de remplacer Dieu par une autre valeur absolue, est donc dans un terrain fertile pour croître dans les sociétés contemporaines.

     Paul, dans la deuxième lecture (1 Co 7, 32-35), affirme que l'être humain sera heureux en se consacrant totalement à Dieu. Paul ajoute que le célibat et l'abstinence sexuelle sont des conditions favorables à cet engagement total. Plusieurs trouveront dans les propos de l'apôtre une dévalorisation de l'état conjugal. Cette interprétation serait contraire à l'ensemble de la théologie de Paul. Il ne condamne pas le mariage. L'apôtre souligne plutôt un risque qui guette les gens mariés  : considérer le partenaire comme un absolu. Seul Dieu mérite notre complète affection ou adoration. L'époux ou l'épouse doit être aimé à sa juste mesure. Paul est capable de cerner la source du bonheur véritable parce qu'une longue évolution spirituelle a eu lieu au sein du peuple élu. La connaissance paulinienne n'est pas un phénomène spontané, brusque.

Une première étape

     La première lecture (Dt 18, 15-20) montre le peuple élu craintif. Dieu a parlé directement à Moïse. Ce contact fut violent, marqué par des orages, du feu et des bruits insoutenables. En constatant la peur provoquée par ce contact direct, YHWH va changer de stratégie, car il veut être un père aimant pour son peuple plutôt qu'un tyran qui fait peur. Désormais YHWH va communiquer indirectement avec les fils et les filles de Jacob. Il va susciter des êtres humains qui vont parler en son nom  : les prophètes. Moïse annonce ce changement et il va même jusqu'à promettre un prophète qui sera capable de traduire parfaitement les inspirations de YHWH en paroles humaines. Il ajoute aussi que l'acceptation ou le refus des enseignements de ce prophète déterminera le destin éternel de chaque personne. Les premiers baptisés ont vu dans cette annonce la venue du Christ.

Une évolution surprenante

     Moïse n'aurait jamais osé imaginer le dessein du Père  : envoyer son propre Fils sur la terre pour devenir ce parfait prophète. Dieu est venu nous rencontrer en devenant un être humain. Les contemporains du Christ ont eu de la difficulté à saisir la véritable identité de Jésus de Nazareth. Marc souligne qu'ils étaient conscients de son autorité. Les scribes, pourtant des érudits de l'Écriture, ne semblent pas arriver à la cheville de Jésus. C'est l'esprit présent dans la conscience du possédé qui va  révéler la véritable identité du Nazaréen. Il l'appellera «  le Saint de Dieu ». En employant cette expression, le démon dévoile la nature divine du Christ. De plus, Jésus dispose de la puissance divine. C'est encore l'esprit malin qui révèle l'envergure de cette puissance  : «  Es-tu venu pour nous détruire ?  »  Jésus a donc la puissance divine d'exorciser. Il est intéressant de noter que l'esprit malin précise qu'il n'est pas seul. Il est le représentant d'une communauté démoniaque. Le «  nous  » de l'adversaire du Christ permet de prendre acte de ce fait surnaturel.

     En révélant l'identité de Jésus, le démon tente de le vaincre. En effet, à l'époque du Christ, les gens croyaient que connaître le nom d'un être vivant et le prononcer permettait de le dominer. Cette croyance, qui peut sembler ridicule aujourd'hui, correspond cependant à une réalité. Seul l'être humain possède la capacité de nommer, de former des concepts et de les exprimer dans des mots. Cette aptitude dénote que le raisonnement humain dépasse la capacité de raisonner de la majorité des animaux et des plantes. Ainsi l'être humain, grâce à son intelligence, a été capable de dominer la nature. Cependant, nommer le Christ, ne sera pas une stratégie gagnante pour l'esprit malin.

     Marc indique que le démon perd sa confrontation avec Jésus. Avec autorité, Jésus délivre le possédé. Les cris et les tremblements du démoniaque prouvent cette libération. La réaction des gens face à ce miracle montre leur lenteur à découvrir le véritable visage de Jésus. Ils voient un thaumaturge qui agit avec autorité, sans plus.

L'étape ultime

     Jésus va mourir et ressusciter. Les apôtres vont recevoir l'Esprit Saint et, par la suite, être capables de proclamer la Bonne Nouvelle du salut. Le Verbe est devenu chair et il a ouvert les portes du Royaume aux personnes qui ont choisi d'obéir au Père. Ces personnes, comme les apôtres à la Pentecôte, ont recu l'Esprit. Elles sont désormais chargées de faire comme leur Maître et de combattre le mal dans le monde. L'exorcisme est encore un aspect de ce combat. Plusieurs personnes de notre époque nient l'existence du diable. Cependant, l'Église catholique considère que sa présence est réelle et plusieurs prêtres sont responsables d'exorciser des personnes possédées. Mais, avec le développement de la médecine qui a permis le diagnostic des maladies mentales, l'Église demeure prudente avant de reconnaître un cas de possession. Un psychiatre sera consulté pour préciser si le possédé n'est pas plutôt atteint d'un trouble mental.

     Mais le plus gros combat demeure la lutte contre le péché, cette soif excessive du pouvoir, de l'argent et des autres biens terrestres. En prenant exemple sur le Maître, les baptisés sont encore appelés à lutter contre les inégalités sociales, la guerre et les discriminations de tous genres. Cette eucharistie peut devenir l'occasion d'un renouvellement de notre don total au Christ et de notre engagement à affronter le péché partout où il se trouve.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2432. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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