INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

6e dimanche de Pâques A - 25 mai 2014

 

L'amour est plus fort que la mort

 

Le Paraclet, Jésus et le Père viendront vers ceux qui aiment Jésus : Jean, 14, 15-21
Autres lectures : Actes 8, 5-8.14-17; Psaume 65(66); 1 Pierre 3, 15-18


Le passage de l’Évangile selon Jean présenté cette semaine fait partie d’une longue séquence qu’on appelle le discours d’adieu. Après le lavement des pieds, Jésus commence un monologue qui se déroule sur cinq chapitres (13, 31-17, 26). Ce long développement contraste avec les autres évangiles qui ne prennent que quelques versets pour décrire le dernier repas. C’est comme si le récit de l’Évangile de Jean prenait une pause dans la description de l’action pour prendre le temps d’expliquer le sens profond de ce qui va arriver. Jésus sait qu’il n’en a plus pour longtemps et que sa mort va provoquer un profond bouleversement. Pourtant, il promet aux disciples qu’il sera toujours avec eux, mais d’une façon différente.

La bénédiction de mon grand-père

     Je ne peux pas lire ce passage sans faire de lien avec la dernière bénédiction de mon grand-père Gabriel. Chaque année, le Premier de l’an, il bénissait notre famille réunie autour de lui. Or, la bénédiction qu’il a prononcée en 2013 nous a tous émus : « Restez unis! Je ne serai pas toujours avec vous. Aimez-vous, aidez-vous et continuez à vous réunir ensemble, même quand je ne serai plus avec vous. Je veillerai sur vous tous. Je demande à Dieu de nous bénir au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Gabriel nous a ébranlés par sa clairvoyance. Lorsqu’on l’a remercié, il nous a dit qu’il avait demandé à l’Esprit Saint de l’aider. On ne le savait pas à l’époque, mais c’était la dernière fois qu’il a béni sa famille puisqu’il est décédé au cours de l’année.

     Mon grand-père était un agriculteur qui a toujours été proche de Dieu et de l’Église. Vers la fin de sa vie, il a passé de longues heures à lire, à méditer et à prier la Parole. C’est peut-être ce qui explique la grande proximité entre sa dernière bénédiction et le discours d’adieu de Jésus dans l’Évangile de Jean. Devant la réalité de la mort et de l’absence, nait paradoxalement une espérance de présence différente, marquée par l’amour partagé dans la communauté.

     Mon grand-père a utilisé une forme oratoire qui a une longue histoire. Le discours de Jésus s’inscrit aussi dans le genre littéraire des testaments qui était très populaire à son époque. Tellement, qu’on reprenait des récits existant en les réécrivant selon cette forme. C’est ce qui a donné naissance à des textes apocryphes comme le Testament de Job par exemple. La fin de la vie appelle naturellement une réflexion sur ce qui a été vécu et ce qui s’en vient par la suite.

À qui s’adresse le discours ?

     Selon le récit, ce discours représente un souvenir fidèle des paroles de Jésus à ses disciples dans la chambre du dernier repas. Cette interprétation est possible, mais en même temps elle pose certaines difficultés. Parmi celles-ci, les trois autres évangiles ne concordent pas avec cette tradition unique à Jean. Par ailleurs, il y a plusieurs éléments qui semblent provenir de la réflexion des premiers chrétiens après la mort/résurrection de Jésus. Ils se demandaient comment ils pouvaient continuer à croire en Jésus alors qu’il a été arrêté, condamné, ridiculisé, flagellé et cloué sur une croix. C’est seulement à la lumière de Pâques qu’ils ont pu pleinement comprendre la volonté de Dieu dans ce qui était pour eux un événement tragique.

Un discours pour la communauté

     Ce texte tente d’expliquer et d’interpréter le départ de Jésus à la communauté chrétienne. Ceux qui écrivent l’Évangile de Jean s’adressent à leur propre communauté et répondent aux préoccupations de leur époque en transmettant un discours attribué à Jésus. Il essaie de réconforter les disciples tristes et consternés pour leur faire comprendre que sa mort n’est qu’un départ et qu’elle n’aura pas le dernier mot. La séparation ne sera que temporaire et mènera à un nouveau mode de présence de Jésus. Ce discours d’adieu est une sorte de testament spirituel qui indique aux disciples que s’ils aiment Jésus et qu’ils s’aiment entre eux, ils pourront sortir du deuil et dépasser leur sentiment de détresse par rapport au monde qui les persécute. Même si le départ implique une séparation, l’union des disciples avec Jésus ne se termine pas là.

Un autre Paraclet

     Qu’est-ce qu’un Paraclet ? En grec, parakaleô est un mot provenant de la littérature de la sagesse qui signifie « enseigner ». Le mot « paraclet » est donc une façon particulière de désigner quelqu’un qui enseigne. Il est aussi utilisé dans le Nouveau Testament pour désigner quelqu’un qui prend la défense de quelqu’un d’autre. Pour aller plus loin, prolongeons la lecture de l’évangile de quelques versets : Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom… (Jn 14,26). Il s’agit donc d’une expression particulière à l’Évangile de Jean pour désigner l’Esprit Saint. Les fonctions que cet Évangile lui attribue sont nombreuses. Le Paraclet peut témoigner en faveur des chrétiens lorsqu’ils sont accusés. Il leur enseigne aussi la vérité. La fonction la plus importante qui lui soit attribuée est de faire le lien entre le Père et le Fils d’une part, et les chrétiens d’autre part.

     Si le Paraclet promis est un autre Paraclet (14,16), qui est le premier ? La meilleure image pour représenter ce que peut être un Paraclet est celle de Jésus lui-même qui a joué les mêmes rôles lors de sa vie terrestre. Il a enseigné la vérité à ceux qui voulaient l’écouter. Il a témoigné de cette vérité jusqu’à en mourir. Enfin, il permettait un lien entre le Père et les disciples. La lettre de Jean le dit : Nous avons un paraclet devant le Père, Jésus Christ, qui est juste; car il est, lui, victime d’expiation pour nos péchés; et pas seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier (1 Jn 2,1-2). Après le départ du Christ, l’Esprit continuera de jouer le rôle qui était celui de Jésus lui-même. L’Évangile ne parle pas d’un esprit abstrait, dans les nuages, mais d’une aide efficace dans des situations concrètes.

Une définition de l’amour selon Jésus

     Aimer Jésus, comme l’affirme notre passage, c’est de garder ses commandements ou ses paroles. Cette référence aux commandements et aux paroles de Jésus renvoie plus largement à son identité de Fils envoyé par le Père. Bref, aimer Jésus, c’est croire en lui. Comme l’expérience de la vie nous le montre, l’amour est toujours meilleur lorsqu’il y a une réciprocité. La fin de cet extrait d’évangile promet à celui qui aime Jésus qu’il sera à son tour aimé par le Père. De plus, il sera aimé par le Fils qui se manifestera à lui. La présence de Jésus restera donc avec ceux qu’il aime même après son départ.

     Si on relie cette promesse avec celle de l’envoi du Paraclet, celui-ci devient le signe de l’amour de Jésus et de Dieu. C’est aussi par lui que Jésus pourra rester présent, d’une façon différente, dans la communauté chrétienne. 

Et nous, aujourd’hui ?

     2000 ans plus tard, l’Église affirme que l’Esprit de Jésus est toujours là lorsque deux ou trois se rassemblent en son nom. Avez-vous déjà fait l’expérience de cette présence mystérieuse de Jésus Christ parmi nous? Pour plusieurs, les sacrements, la lecture de la Bible, la prière et l’aide aux plus démunis sont des exemples concrets de lieux pour vivre de cet Esprit promis par Jésus. Mais, il y a surtout la piste de l’amour. C’est dans l’amour que Jésus promet de se manifester. À nous de continuer à travailler à la fois pour un plus grand amour fraternel en Église et plus largement pour aimer ceux et celles qui nous entourent. C’est dans cette expérience que Jésus nous a donné rendez-vous. Comme pour ma famille qui se fait un devoir de continuer de rester unie et de s’aimer pour honorer la mémoire de notre grand-père Gabriel, les chrétiens doivent continuer à poser des gestes pour rencontrer le Christ au lieu qu’il nous a donné : dans l’expérience de l’amour.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2405. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
La voie vers l'Absolu