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26e dimanche ordinaire C - 29 septembre 2013

 

Que tout ravin soit comblé

La parabole du riche et de Lazare : Luc 16,19-31
Autres lectures : Amos 6, 1a.4-7; Psaume 145(146); 1 Timothée 6,11-16

 

En entendant la parabole du riche et de Lazare que raconte Jésus ce dimanche (Luc 16, 19-31), on ne peut qu’être choqué. Jésus nous présente d’abord un homme riche, qui portait des vêtements de luxe et faisait chaque jour des festins somptueux. (Lc 16,19) À première vue, il n’y a rien de mal à cela. Un homme a le droit d’être riche et de bien s’habiller. Les festins somptueux à chaque jour ont moins la cote. Qui ne connaît pas les bienfaits d’une saine alimentation pour une vie en santé ?

Deux personnages fort contrastés

     Mais ce n’est pas tellement sur la diète de l’homme riche que Jésus attire notre attention. Il nous présente plutôt un autre personnage. Un pauvre, nommé Lazare, était couché devant le portail, couvert de plaies. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c’étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies (vv. 20-21).

     À première vue, ce deuxième acteur n’a rien d’attirant. Qui veut être pauvre ? Le simple fait d’être couché à mendier devant la porte d’un riche est déjà quelque chose de déshonorant. Mais, quand on nous présente un homme couvert de plaies que viennent lécher les chiens, on dépasse les limites du supportable. Rien n’attire chez cet homme. Au contraire, il est repoussant.

     Et pourtant, quand Jésus raconte cette parabole, on sent bien qu’il nous invite à être plus près du pauvre que du riche. D’abord le riche qui fait bombance n’a pas de nom. Le pauvre, lui, en a un : Lazare. Si nous étions dans l’évangile de Jean, nous pourrions tout de suite penser au frère de Marthe et Marie que Jésus relèvera d’entre les morts (voir Jn 11). Mais ce n’est pas le cas. Jésus ne nous montre que l’extérieur de la vie du riche. Mais, quand il nous présente Lazare, il nous fait connaître les secrets de son cœur : Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche (v. 21). Ce n’était pas un rêve bien ambitieux. Il ne désirait pas la mort du riche. Il ne lui souhaitait aucun malheur. Lazare aurait simplement voulu assouvir sa faim en profitant de ce que l’autre avait en trop.

Des contrastes qui perdurent

     Mais où Jésus veut-il en venir avec tout cela ? Écoutons la suite. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui. (vv. 22-23)

     Ce renversement de situation provoqué par la mort des deux hommes n’a pas de quoi surprendre les premiers auditeurs de la parabole. En effet, Jésus reprend ici « un thème connu dans l’Égypte ancienne et dans le judaïsme » (TOB, note e). Marie chantait déjà un tel renversement dans son Magnificat : Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.  (1,52-53) La première béatitude et la première lamentation du Sermon dans la plaine allaient dans le même sens. Heureux, vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous ! […] Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation !  (6, 20.24)

     Il serait toutefois dommage d’utiliser ce renversement annoncé pour justifier l’inaction dans notre lutte contre la pauvreté. Dans l’évangile de Marc, Jésus déclare : Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous (Mc 14,7a). On pourrait réagir en disant : à quoi bon se battre contre la pauvreté puisqu’il y en aura toujours ? Et puis ils auront leur récompense au ciel. Mieux vaut donc les laisser dans leur pauvreté. Mais Jésus ajoute aussitôt : Quand vous voudrez, vous pourrez les secourir (Mc 14,7b). Jésus nous raconte ce dimanche la parabole du riche et de Lazare parce qu’il a quelque chose d’autre à nous enseigner. Écoutons la suite.

     Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui. Alors il cria : “Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.”  (Lc 16,23-24)

     À première vue, la goutte d’eau que demande le riche à Abraham équivaut aux miettes qui tombaient de sa table et dont Lazare aurait bien voulu se rassasier. Il demande peu de choses. Mais même mort, même en proie à la torture, le riche continue à agir en mauvais riche. Il ne parle pas à Lazare, il s’adresse à Abraham en l’appelant « mon père » ! Il voit dans le pauvre qui est maintenant auprès d’Abraham quelqu’un qui peut le servir. Et il l’appelle par son nom : Lazare ! C’est donc dire qu’il le connaissait, qu’il avait vu cet homme qui gisait à sa porte, mais il n’avait pas levé le petit doigt pour lui venir en aide.

     La réponse d’Abraham n’a donc pas de quoi surprendre. Elle est pleine de douceur, mais elle est ferme et très claire : Mon enfant, […] rappelle-toi : Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur. Maintenant il trouve ici la consolation, et toi, c’est ton tour de souffrir. De plus, un grand abîme a été mis entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient aller vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne vienne pas vers nous. (vv. 25-26) Le portail qui séparait les deux hommes de leur vivant s’est transformé en grand abîme.

     Mais voici qu’un soubresaut de charité envahit le riche : Eh bien ! Père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. J’ai cinq frères : qu’il les avertisse pour qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture ! (vv. 27-28) Même quand il montre de l’amour envers ses frères, le riche continue de voir en Lazare quelqu’un qui peut être à son service. Encore une fois, il ne s’abaisse pas à parler au pauvre Lazare, mais bien à Abraham pour qu’il envoie Lazare dans la maison de son père.

     Encore une fois, Abraham refuse. Il renvoie les frères du riche à l’Écriture : Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit le riche, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront. Abraham répondit : S’ils n'écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. (vv. 29-31)

La foi en action : charité et solidarité

     Et nous qui entendons cette parabole ce dimanche, nous laisserons-nous convaincre ? Qu’est-ce que Jésus ressuscité veut donc nous enseigner ? Commençons par dire que le Seigneur Jésus ne nous invite pas à choisir la pauvreté abjecte qui était le lot du pauvre Lazare. Des pauvres, nous en connaissons tous. Nous connaissons même leurs noms. Jésus nous invite à combler le grand abîme qui nous sépare des « Lazare » de notre monde. Le temps nous est donné pour traduire notre foi, notre espérance et notre amour en gestes concrets en leur faveur.

     Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. […] Si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. (Is 58, 7.10) Ainsi, tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droits, et les escarpements seront changés en plaine. (Is 40, 4)

 

Yvan Mathieu,SM

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2371. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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