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5e dimanche de Carême C - 17 mars 2013

 

La personne d'abord !

La femme adultère : Jean 8, 1-11
Autres lectures : Isaïe 43, 16-21; Psaume 125(126); Philippiens 3, 8-14

 

Les règles sont nécessaires au bon fonctionnement d'une société. Sans elles, ce serait le chaos. Les individus seraient libres de faire comme bon leur semble. Les forts écraseraient probablement les faibles.  Des situations de ce genre ont existé au fil de l'histoire.

L’exemple de la défense des ouvriers

     Un des exemples les plus marquants serait le capitalisme de la fin du 19e siècle. Sans législation pour les protéger, les ouvriers ont été exploités par les propriétaires des usines. Plusieurs membres de familles chrétiennes ont lutté pour la promulgation d’une réglementation des conditions de travail des ouvriers et des ouvrières. Dans la famille catholique, le pape Léon XIII, a écrit l'encyclique Rerum Novarum dont les idées posaient les fondements de la pensée sociale de l’Église destinés à guider l'action des catholiques qui voulaient défendre les ouvriers et les ouvrières. Les mouvements d'action catholique sont nés à la suite de ce document. Lentement les travailleurs et les travailleuses ont retrouvé une plus grande dignité. Et les papes qui ont suivi Léon XIII ont prolongé sa réflexion. Malheureusement les médias et d'autres instances influentes négligent cet aspect de l'expérience catholique qui considérère prioritaire la personne humaine et préfèrent parler des aspects où celle-ci semblent négliger l'être humain.

Jésus placé devant la Loi

     Les règles sont donc nécessaires pour assurer l'harmonie dans la société et dans tout groupe humain. Cependant, elles deviennent menaçantes lorsqu'on oublie qu'elles sont là pour améliorer la condition humaine. Dans le passage d’évangile proclamé aujourd'hui, les gardiens de la Loi mosaïque, les scribes et les pharisiens, veulent que Jésus prenne position par rapport à la Loi qui est au coeur du judaïsme. Jésus montrera dans cet affrontement que le problème avec la Loi est de la considérer tellement sacrée que l’on s’empêche d’en modifier certaines prescriptions puisqu’elles viennent de Dieu. Mais Dieu n'a jamais interdit à son peuple de modifier un précepte de la Loi surtout s’il rate le but visé par la Loi qui est d’assurer le salut de chaque personne. La femme adultère n'a pas respecté la Loi, c’est un fait. Elle doit donc subir la peine prescrite dans un tel cas, soit la lapidation. Jésus refuse d'appliquer bêtement cette sentence. Il a devant lui un être humain qui est créé à l'image de Dieu. Cette valeur supérieure va bien au-delà des règles, même les plus sacrées. La pédagogie de Jésus est percutante. Pour bien faire saisir ce principe, il place les accusateurs de la femme devant leur propre humanité : Celui d'entre vous qui n'a pas péché... Jésus, par cette simple parole, rappelle à ses adversaires leur faiblesse, leur statut de créature devant Dieu. Il ramène un peu d'humanité au sein d'une dispute théologique abstraite. Cette stratégie produit l'effet désiré. Les scribes et les pharisiens jettent leurs roches, sachant fort bien qu'ils auraient scandalisé les témoins de la scène s'ils avaient prétendu être sans péché.

     Une fois abandonnée l’intention de lapider la femme adultère, le récit continu en montrant que Jésus considère le salut de l'homme et de la femme comme une réalité essentielle. En effet, Jésus ne condamne pas la femme adultère bien qu’il l’aurait pu; étant le Fils unique, le Saint de Dieu, Il avait l'autorité nécessaire pour juger. Il regarde plutôt la femme avec tendresse et lui dit de poursuivre son chemin. Il lui conseille cependant de changer sa conduite : Ne pèche plus. Jésus sait que le mal réside dans le coeur humain. Il sait aussi que chaque personne qui accepte d'entrer en relation avec Lui est capable de charité, l'expression ultime de la bonté humaine.

L’Église accusée de légalisme

     Plusieurs reprochent à l'Église du passé et du présent d'oublier que le salut humain est au coeur de sa mission. Il y a quelques années on a beaucoup critiqué l'excommunication prononcée par un évêque latino-américain contre l'entourage d'une petite fille qui a été avortée après avoir été mise enceinte par son beau-père. Plusieurs ont réagi avec force devant ce qui a semblé être le souci primordial de faire respecter des principes moraux et juridiques. La décision de l'évêque a donné l’impression qu’il avait négligé les souffrances physiques et psychologiques de l'enfant, en condamnant les membres de sa famille qui avaient considéré l'avortement comme la solution appropriée pour soulager la petite fille. Dans le passé, plusieurs personnes ayant délaissé l'Église catholique ont avoué que le motif de leur abandon avait été la rigidité et le juridisme de leur confesseur. Les réformes du concile Vatican II ont contribué à corriger ce juridisme. Par exemple, le nouveau Code de Droit canonique (publié en 1983), qui régit la vie de l’Église, exhorte les confesseurs à adopter une approche miséricordieuse face aux gens qui s'approchent du confessionnal. La liste des motifs entraînant l'excommunication, l'exclusion de la communauté croyante, a été réduite. Les prêtres doivent se comporter comme des guides et non comme des juges qui dispensent des sentences. Quand un pécheur veut recevoir le sacrement du pardon, il doit expérimenter et célébrer l'amour du Christ comme la femme adultère, plutôt que d'être la victime d'une lapidation morale. Et pour afficher cette nouvelle orientation, la confession a changé de nom. Le sacrement de pénitence est devenu le sacrement de la réconciliation.

Nous sommes sans cesse appelés à la conversion

     Cependant il faut souligner que, au-delà des récriminations contre un certain légalisme dans l'Église, l'être humain conserve la responsabilité de s'améliorer. Plusieurs croyants et croyantes de notre époque voudraient que les autorités chrétiennes parlent seulement de l'amour inconditionnel de Dieu, laissant de côté la responsabilité de chaque individu dans la conduite de sa vie chrétienne. Le « ne pèche plus » n'est pas un appel à la complaisance face au mensonge ou devant des comportements motivés par la puissance, l'argent ou la gloire. Le « Va » de Jésus adressé à la femme adultère est une invitation à se tourner vers l’avenir et à tendre vers la perfection.

     Dans la deuxième lecture (Philippiens 3, 8-14), Paul compare cette quête à une course vers le Royaume. Cette course est semée d'embûches. L'être humain peut tomber, revenir en arrière, mais il doit garder constamment dans son coeur le désir de se parfaire, ce petit moteur qui mène vers le salut. Dans toute rencontre sacramentelle, le rôle du confesseur est de vérifier si ce désir est présent dans la conscience des personnes. Le repentir est le terme utilisé pour désigner la présence de cette volonté d'aller plus loin sur le chemin de la sainteté.

     Dans la première lecture (Isaïe 43, 16-21), Yahvé manifeste pour son peuple, Israël, ce que Jésus a exprimé pour un individu, la femme adultère. Le prophète se fait le porte-parole de la volonté de Dieu de faire vivre à son peuple un nouvel exode, une nouvelle libération de l’asservissement où l’a conduit son infidélité à l’alliance. Dieu veut conclure une nouvelle alliance avec son peuple qui sera inscrite sur son cœur. Le passage de l’expérience d’Israël à celle de la femme adultère montre avec éloquence le changement de perspective entre l'Ancien et le Nouveau Testament, entre la première alliance et la nouvelle réalisée avec Jésus mort et ressuscité. Israël a témoigné de la présence du Dieu unique pendant plusieurs siècles où il a grandi comme un enfant avec des directives précises. Avec la promesse d’un nouvel exode, c’est comme si on était arrivé au stade de l’âge adulte. L'être humain est toujours placé devant le choix d’accueillir ou non le salut, d’accepter ou refuser la relation avec le Rédempteur. Jésus a invité la femme adultère à entrer en relation avec Lui et il nous adresse, à travers la Parole, la même invitation aujourd'hui : Va et ne pèche plus.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2351. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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