Évangéliser à la manière de Marie
Marie rend visite à Élisabeth : Luc 1, 39-45
Autres lectures : Michée 5, 1-4a; Psaume 79(80); Hébreux 10, 5-10
À chaque année, l’évangile du quatrième dimanche de l’Avent nous plonge dans le mystère de Marie. L’année A, nous lisons l’annonce à Joseph (Mt 1,18-24), l’année B l’annonce à Marie (Lc 1,26-38) et cette année nous revivons avec Marie le mystère de la visitation.
Les événements qui précèdent la visitation
Pour bien comprendre ce qui pousse Marie à prendre la route « en toute hâte » vers la maison de Zacharie pour saluer Élisabeth, il importe de replacer cet épisode dans son contexte. Après avoir présenté son projet à Théophile (1,1-4), Luc, dans les deux premiers chapitres de son évangile, construit un parallèle évident entre Jean Baptiste et Jésus : deux annonces de naissance, deux récits de naissance, deux récits de circoncision, deux récits de l’enfance. Le but de ce parallèle est de bien montrer la supériorité de Jésus par rapport à Jean Baptiste. Ce dernier est le précurseur alors que Jésus est bel et bien le messie promis. Les deux parcours ne se croisent qu’une fois au moment de la visitation.
Les deux récits d’annonce de naissance préparent le terrain pour la rencontre entre Marie et Élisabeth. Dans le premier récit, Zacharie part de chez lui, se rend au Temple de Jérusalem, puis retourne chez lui. Si nous dessinions son parcours, nous aurions devant les yeux un cercle parfait. Or, comme il n’a pas cru la Bonne Nouvelle que lui annonçait l’ange Gabriel, il est aussi enfermé dans un autre cercle : Mais voici que tu devras garder le silence, et tu ne pourras plus parler jusqu'au jour où cela se réalisera, parce que tu n’as pas cru à mes paroles (1,20). Une fois enceinte, Élisabeth s’enferme elle aussi. Pendant cinq mois, elle garda le secret. Elle se disait : “Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, lorsqu’il a daigné mettre fin à ce qui faisait ma honte aux yeux des hommes” (1,24-25). Zacharie et Élisabeth se trouvent donc enfermés dans un cercle de silence.
Chez Marie, la dynamique est tout autre. Elle ne se déplace pas vers Dieu, mais Dieu fait plutôt un mouvement vers elle : L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie (1,26-27). Une fois qu’elle a donné son fiat, l’ange la quitta (1,38). Or, cette annonce, loin d’enfermer Marie, la met en mouvement. Un mouvement dans son cœur d’abord : Elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation (1,29). Un mouvement sur le terrain ensuite. L’ange lui a donné un signe à voir : Et voici (littéralement : « vois ») qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’. Car rien n’est impossible à Dieu (1,36-37). Voilà pourquoi, en ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée (1,39).
L’obéissance de Marie
Certains verront dans la promptitude de Marie à se mettre en route vers le signe qui lui est donné par l’ange la marque d’un doute. Mais il n’en est rien. Marie vient de dire oui au Seigneur : Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole (1,38). Cette hâte « traduit surtout une disposition intérieure, un état d’esprit : ferveur, zèle pour une chose qui tient à cœur. » 1 Dieu donne un signe pour qu’il soit vu. En se mettant en route rapidement, Marie se rend disponible à Dieu qui lui fait signe.
Celle qui a été invitée à se réjouir (1,28) et à être sans crainte (1,30) part donc dans la joie profonde que lui a procurée l’annonce de l’ange. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth (1,40) Ce faisant, elle brise le cercle de silence dans lequel Zacharie et Élisabeth était enfermés. Le texte ne nous dit rien de la formule avec laquelle Marie salua sa cousine. Était-ce une invitation à la paix, comme on le fait en hébreu ? Était-ce une invitation à la joie, comme on le fait en grec ? Toujours est-il que le résultat est immédiat : Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle (1,41a). Celle qui était venue voir le signe que lui faisait Dieu devient à son tour signe pour Élisabeth. La présence et la salutation de Marie marquent la réalisation d’une des promesses de l’ange à propos de Jean Baptiste : Il sera rempli de l’Esprit Saint dès avant sa naissance (1,15).
La prophétie d’Élisabeth
Il n’y a pas que Jean Baptiste qui tressaillit sous l’action de l’Esprit ce jour-là. Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : “Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni” (1,41b-42). Ces paroles, que nous disons nous-mêmes en priant l’Ave Maria, apprennent deux choses au lecteur. Elles confirment d’abord les paroles de Gabriel à Marie lors de l’annonciation : Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi (1,28), tu as trouvé grâce auprès de Dieu (1,30). Elles indiquent ensuite que Marie est bel et bien enceinte. Elle porte Jésus en son sein.
Cette parole prophétique d’Élisabeth permet aussi au lecteur de bien comprendre ce qui vient de se produire. Marie n’est pas celle qui provoque l’effusion d’Esprit Saint chez Jean et sa mère. Jésus, déjà présent en Marie, est celui qui donne l’Esprit. Le fils de Marie est source d’allégresse et de bonheur. D’où la dernière parole prophétique d’Élisabeth : Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi (1,43-44). Encore une fois, une parole de Gabriel se trouve confirmée. Marie est la mère de mon Seigneur, son fils reçoit un titre réservé à Dieu.
La béatitude de Marie
Élisabeth conclut son discours en énonçant la première béatitude de l’évangile de Luc : Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur (1,45). Ce qui provoque le bonheur de Marie n’est pas le fait d’être mère du Seigneur, mais bien sa foi. Voilà une bonne nouvelle pour nous. Seule Marie fut choisie pour être la mère de Dieu. Ce privilège n’appartient qu’à elle. Mais le fait de croire à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur est une expérience qu’elle nous invite à partager avec elle. À deux jours de Noël, nous sommes invités à croire et à entrer dans la béatitude de Marie. Ce qui nous a été promis s’accomplira.
Une mission à continuer
La visitation marque donc l’onction prophétique de Jean Baptiste par Jésus. Les deux mères sont au service de la mission des deux fils. Comme elles, nous pouvons entrer dans la joie, l’allégresse et le bonheur. Accueillons le Christ dans nos cœurs avec la foi de Marie. Nous pourrons alors le porter à nos frères et sœurs. Combien d’entre eux sont enfermés dans un manque de foi, un silence et une souffrance, tout comme l’étaient Zacharie et Élisabeth ? Sachons, comme Marie, leur porter la source de toute joie, l’enfant de la crèche, qui compte sur nous pour que nous le remettions au monde.
________________
1 Paul-Edmond Jacquemin, « La Visitation Lc 1,39-45 », dans Assemblée du Seigneur, NS 8 (1972), 64-75 (p. 68).
Source: Le Feuillet biblique, no 2339. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Le chemin du dépassement
|