Tu aimeras...
Le premier de tous les commandements : Marc 12, 28b-34
Autres lectures : Deutéronome 6, 2-6; Psaume 118(119); Hébreux 7, 23-28
Les lectures de la célébration de ce dimanche nous présentent des commandements à observer. Il s’agit donc d’une autorité supérieure qui impose sa volonté sur des subalternes. Avant l'époque moderne, cette conception était parfaitement acceptable pour les baptisés qui croyaient que le roi ou l'empereur était désigné par Dieu. Mais la mentalité des gens dans les pays occidentaux a changé. La démocratie s'est progressivement implantée et désormais les citoyens choisissent leur chef. L’expression « commandement de Dieu » rebute donc plusieurs fils et filles du Père, qui y perçoivent une contrainte imposée sur la liberté individuelle alors qu’elle se manifeste de préférence dans le choix d'un leader. De plus il est paradoxal de parler de « loi » et de « commandement » lorsqu'il est question d'amour, l'essence même de la nouvelle règle primordiale énoncée par le Seigneur. L'amour s'exerce dans la liberté et non dans l'obligation. Il faudrait probablement réviser la traduction et parler de processus qui mène au bonheur véritable. Aujourd'hui le Christ dirait probablement : « Votre seule source de bonheur véritable, c’est d'entrer en relation personnelle avec moi. Quand vous sentirez mon amour pour vous, vous serez capables d'aimer inconditionnellement comme j'ai aimé. » De même que la nature obéit à des lois physiques, ainsi la mécanique de l'amour humain et divin a aussi son mode de fonctionnement que les poètes et les mystiques ont célébré à travers les millénaires.
Le choix du partenaire
Souvent lorsque le commandement de l'amour est évoqué, les gens négligent d'aborder l'étape de la rencontre qui est le début de la relation amoureuse. À l’époque de la réforme religieuse du roi Josias (7e siècle av. J. C.), dont témoigne le Deutéronome, toutes les religions étaient polythéistes. Les divinités étaient la plupart du temps imposées par l'autorité royale. La profession de foi, contenue dans l'extrait du Deutéronome proclamé au début de la liturgie de la Parole, atteste l'existence d'un Dieu unique. Elle illustre sa présence et elle l'introduit comme un sujet qui peut être aimé. Avant de s'insérer dans une relation d'amour avec Yahvé, l'être humain doit être au courant de la présence de l'Éternel. Avant tu aimeras ton Dieu il faut rencontrer la divinité. Moïse a d'abord présenté Yahvé au peuple saint qui l'a accepté et, par la suite, la race choisie a conclu un pacte d'alliance avec Lui.
Aujourd'hui cette étape de la rencontre est plus que nécessaire. La société occidentale propose plusieurs chemins conduisant vers un supposé bonheur : le savoir scientifique, l'argent, le pouvoir, la notoriété, le sexe. Plusieurs évangiles montrent que le Christ a connu la tentation de prendre une de ces voies plutôt que d'accomplir la volonté du Père. Mais son lien filial lui a permis de rejeter ces faux dieux. L'Église a donc l'impérieux devoir de proposer le Christ comme source de bonheur véritable. Elle a la tâche sacrée d'inviter toute l'humanité à entrer dans une relation personnelle avec le Sauveur.
La deuxième lecture, tirée de la Lettre aux Hébreux, développe un aspect du rôle de Sauveur attribué à Jésus. Le Seigneur est devenu le médiateur unique entre l'humanité et la Trinité. En termes liturgiques, Jésus Christ remplit désormais la fonction que le Grand Prêtre remplissait dans le Temple de Jérusalem, la fonction d'intermédiaire avec Yahvé. Le Père a confié cette fonction au Fils parce que Jésus a mené le commandement de l'amour à la perfection. Il a donné sa vie dans un geste ultime d’amour, avec le plus complet désintéressement pour établir la nouvelle alliance basée sur la foi. Par le don de sa vie, quel’on a compris comme un sacrifice, Jésus a permis à l'être humain d'expérimenter le processus de l'amitié qui aboutit au salut.
Comme soi-même
Après avoir rencontré et accepté le Christ, l'être humain est désormais totalement engagé dans le processus de l'amour. Comme il a été souligné précédemment, ce processus a sa propre dynamique. La modernité a remis en lumière l'étape première de ce processus : l'estime de soi. Jésus l'a évoqué en disant : Aimer les autres comme soi-même. Au fil des siècles, cette étape a été délaissée parce qu'elle a été peut-être confondue avec l'égocentrisme, un amour excessif de soi-même. L'émergence de la psychologie a bien démontré qu'une personne ne peut pas s'engager véritablement si elle n'a pas atteint le stade adulte où elle devient capable d'exercer de véritables choix. Et cette construction de la personne vers la maturité ne peut se réalier si la personne ne s'aime pas. Une personne qui se déteste bloque son évolution intérieure. Elle reste à un stade infantile et devient, comme un enfant, centrée sur elle-même. Ainsi elle ne peut pas s'oublier pour suivre librement le Christ puisqu'elle est obnubilée par ses propres désirs.
Une personne blessée dans son estime personnelle peut demander à la Trinité de l'aider à progresser vers sa maturité et, ainsi, à s'engager sur la voie du Royaume. Les mouvements de douze étapes qui ont pris naissance au 20e siècle expriment avec intensité le recours à un Être suprême pour éliminer la haine de soi et des autres qui empêche le développement spirituel. Dès que l'être humain a identifié sa puissance supérieure et l'a rencontrée, la force de cet Être suprême commence déjà à le transformer. Le pardon s'introduit dans la vie de l'individu blessé et le cheminement intérieur ralenti ou arrêté recommence.
L'altruisme
Les chrétiens et les chrétiennes ont identifié l'énergie amoureuse qui les inonde lorsqu'ils ont accepté de suivre le Christ. C’est la force active de l'Esprit saint. Cet Esprit a son propre mouvement. Il veut toujours briser ce qui l'empêche de se répandre, de toucher d'autres personnes. Tu aimeras ton Dieu devient Tu aimeras ton prochain. L'être humain devenu adulte intérieurement et inspiré par le Paraclet devient capable de charité, d'amour inconditionnel. Ce baptisé est désormais capable d'agir pour soulager la misère du monde. Il peut soigner les malades, donner sans mesure aux plus démunis, lutter contre l'injustice sociale. Ainsi le processus se conclut. Un cercle sans fin d'affection est créé et la graine semée par le Christ donne de bons fruits à l'infini.
Source: Le Feuillet biblique, no 2332. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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