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29e dimanche ordinaire B - 21 octobre 2012

 

Sévir ou servir?

La demande de Jacques et de Jean : Marc 10, 35-45
Autres lectures : Isaïe 53, 10-11; Psaume 32(33); Hébreux 4, 14-16

Tout au long de l’Évangile de Marc, Jésus ne fait rien sans ses disciples. Eux pourtant semblent très mal comprendre ce que Jésus veut leur dire.

L’incompréhension des disciples

     Au lendemain de la journée de Capharnaüm, Pierre et ses compagnons cherchent à retenir Jésus, ce qu’il refuse (1, 37-38). Quand Jésus enseigne en paraboles, les disciples ne comprennent pas et Jésus leur en fait le reproche (4, 13). Pendant la traversée sur l’autre rive, une fois la tempête apaisée, Jésus leur dit : Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? (4, 40). Avant la première multiplication des pains, les disciples demandent à Jésus de renvoyer la foule, mais il les invite plutôt à leur donner eux-mêmes à manger (6, 35-37). Plus tard, quand Jésus vint les rejoindre en marchant sur les eaux, ils furent bouleversés car ils n'avaient pas compris la signification du miracle des pains : leur cœur était aveuglé. (6, 52) Après l’enseignement de Jésus sur la pureté des aliments (7, 14-16), les disciples sont incapables de comprendre (7, 18). Après la seconde multiplication des pains, lors d’une seconde traversée vers l’autre rive : Ils discutaient entre eux sur ce manque de pain (8,16) et Jésus leur reproche à nouveau l’aveuglement de leur cœur.

     L’incompréhension des disciples atteint son sommet quand Jésus se met à leur annoncer sa passion. Après la confession de foi de Pierre en 8, 29, pour la première fois il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! » (8, 31-33) Après la deuxième annonce de la passion (9, 30-32), les disciples avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand (9, 34). Jean se vante alors d’avoir empêché quelqu’un de chasser des esprits mauvais au nom de Jésus sous prétexte qu’il n’est pas de ceux qui nous suivent (9, 38). Après le départ de l’homme riche qui demandait comment avoir en héritage la vie éternelle (10, 17), Pierre se rachète un peu : Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre (10, 28). En retour Jésus promet aux disciples le centuple et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Juste avant la page d’évangile de ce dimanche, Jésus annonce sa passion pour une troisième fois et de manière très nette (10, 32-34).

La demande des fils de Zébédée

     Il y a des jours où Jésus a dû se sentir bien seul ! Ce dut être le cas quand Jacques et Jean, deux des quatre premiers disciples, s’approchèrent et lui dirent : Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande (10, 35). Jésus venait tout juste de leur annoncer pour la dernière fois qu’il allait être livré, condamné à mort, livré aux païens, bafoué, couvert de crachats, fouetté, mis à mort pour ensuite ressusciter après trois jours (10, 33-34). Pourtant, dans sa bonté, il permet à Jacques et Jean de formuler leur demande. Encore une fois, ils n’ont rien compris : Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire (10, 37). Jésus leur parle de sa passion et de sa mort. Ceux que Jésus a surnommés les fils du tonnerre (3, 17) sont enfermés dans leurs rêves de gloire personnelle. Jésus aurait pu réagir avec colère, les rabrouer pour les ramener dans le droit chemin. Il décide plutôt d’utiliser la douceur : Vous ne savez pas ce que vous demandez (10, 38a).

La coupe et le baptême

     À première vue, Jésus ne semble pas refuser leur demande. Il l’assortit plutôt d’une condition : Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé? (10, 38bc). La coupe de vin désigne dans la Bible la destinée de l’homme. La parole de Jésus annonce sa prière à Gethsémani : Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! (14, 36). Symboliquement, il demande aux deux disciples : pouvez-vous vivre une passion similaire à la mienne ? Du même souffle, Jésus précise que sa mort et sa résurrection sont un baptême où il va être plongé. Comme l’écrit Paul dans sa Lettre aux Romains, nous tous qui avons été baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés [plongés …] pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts (Rm 6,3-4). Jésus place donc Jacques et Jean devant le choix qui attend tout disciple du Christ : consacrer toute leur vie au Christ, peut-être même jusqu’au martyre.

     Mais Jacques et Jean n’écoutent pas vraiment. Sans réfléchir, ils affirment : Nous le pouvons (Mc 10, 39). « Le chemin de la gloire passe par les souffrances et la croix mais, pas plus que Pierre confessant le Christ » (cf. 8, 29), ils ne songent à un Messie souffrant. Leur attente messianique se nourrit d’autres images : celles du royaume terrestre et politique du Fils de David. » 1 Jésus ne partage pas cette vision, il suit plutôt la volonté de son Père. Il refuse donc la demande des fils de Zébédée, cherchant à purifier leur désir : La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées (10, 39-40). Ces places seront en fait occupées par les brigands qui seront crucifiés avec Jésus (15, 27).

Refuser le pouvoir pour pouvoir servir

     La réaction des dix autres apôtres montre bien qu’ils ont le même désir que Jacques et Jean contre qui ils s’indignaient (10 ,41). Eux aussi rêvent d’un pouvoir politique. Le maître les appelle et leur donne comme contre-exemple celui des chefs des nations païennes qui leur commandent en maîtres [… et qui] font sentir leur pouvoir (10, 42). « Jésus s’oppose à toute forme de gouvernement basé sur l’ambition, les biens économiques, les honneurs. » 2 Il faut plutôt choisir la diaconie, qui va même jusqu’à prendre la place de l’esclave. Quel renversement ! Il s’agit de se rendre totalement dépendant de Dieu que l’on veut servir. « Le service dont parle Jésus est donc essentiellement une grâce, et l’économie de la grâce exclut toute valorisation personnelle fondée sur le mérite ou l’effort humain. » 3

Une invitation lancée à tout disciple

     Comment réagir à cette page d’évangile ? Nous pouvons nous désoler de l’incompréhension des disciples et même de notre propre incompréhension. Jésus ressuscité nous invite plutôt à choisir à sa suite le chemin du service qui va jusqu’au don total de sa vie : Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude (10,45). Chaque disciple, du plus petit au plus grand, est invité à y mettre le prix. Laissons le Christ purifier notre désir.

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1 Jean Radermakers, « Revendiquer ou servir? Marc, 10, 35-43 » , dans Assemblée du Seigneur , NS 60 (1975), 27-39 (p. 30).

2 Radermakers, « Revendiquer ou servir?, p. 32.

3 Radermakers, « Revendiquer ou servir?, p. 32.

 

Yvan Mathieu, SM

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2330. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Une invitation à aller plus loin