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25e dimanche ordinaire B - 23 septembre 2012

 

L'expérience d'un mystère déroutant

Deuxième annonce de la Passion : Marc 9, 30-37
Autres lectures : Sagesse 2, 12.17-20; Psaume 53(54); Jacques 3, 16 - 4,3

Dimanche dernier on a appris que Jésus, après avoir été reconnu comme Messie par Dieu, avait confié pour la première fois à ses disciples qu’il fallait que le fils de l’homme souffre, soit mis à mort pour enfin ressusciter le troisième jour (Mc 8, 30-31). Aujourd’hui c’est dans un climat d’incompréhension de la part de ces mêmes disciples que Marc situe la deuxième annonce de la Passion et de la Résurrection. Pourtant ils auraient dû savoir que des adversaires traquaient leur Maître. C’est pour cela d’ailleurs que ce dernier avait choisi de traverser la Galilée incognito car il ne voulait pas qu’on le sache  (Mc 9, 30). Essayons de mieux saisir.

L'incompréhension des disciples

     Jésus donc, annonce clairement aux siens ce qui l’attend à plus ou moins brève échéance. Il constate dans son entourage une insidieuse opposition. Il se voit de plus en plus clairement comme étant le juste décrit au livre de la Sagesse, ce juste que Dieu assistera et délivrera s’il est véritablement fils de Dieu, ce juste condamné à une mort infâme (Sg 2, 18.20). Il entreprend donc d’en instruire les siens : Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles. Pour emprunter un terme plus actuel, nous pourrions avancer qu’ils se réfugient dans le déni en refusant de comprendre. C’est pourquoi ils avaient peur de l’interroger (v. 32).

La mission de Jésus

     Jésus a pour mission de refaire la création dans sa beauté première telle que sortie des mains du Père. Il n’a pas pour mission fondamentale de changer les structures sociales de son époque mais de bouleverser en profondeur les esprits et les cœurs. Ces changements consistent à promouvoir la paix, la tolérance, la compréhension comme le rappelle l’apôtre Jacques en parlant de la sagesse qui vient de Dieu (Jc 3, 17). Une sagesse que Jésus est appelé à instaurer. Le chemin qu’il proposera sera un chemin de libération. Libération de la convoitise destructrice, des intérêts cupides, de tous ces instincts en somme qui mènent le combat en nous-mêmes (Jc 3, 4) et qui sont les causes de toutes les guerres et de tous les conflits.

Le chemin proposé

     Pour emprunter ce chemin de libération Jésus propose de se revêtir des livrées du serviteur. Notons que ce choix  est à l’opposé de la pente naturelle de nos désirs et de nos ambitions. Qui que nous soyons, nous cherchons à nous surpasser et souvent à vouloir dépasser les autres dans nos compétences et nos spécialités. Nous aspirons à monter dans l’échelle sociale. Les sociétés d’État, les grandes entreprises, les mouvements coopératifs et syndicaux nous le confirme : « The sky is the limit » semble être le leitmotiv à la mode. Cela se manifeste aussi dans des ambitions plus futiles : posséder une grosse maison, l’auto de l’année, une plus grande piscine. Jésus, lui, avec une incommensurable douceur doublée d’une certaine fermeté, nous propose la dernière place et le service des autres (Mc 9, 35). Pour rendre plus concret son enseignement il fait appel à un petit enfant et le place au milieu du cercle de ses disciples. Puis, il le cite comme modèle d’accueil (v. 37). Ce geste a dû étonner les spectateurs car, dans cette culture, l’enfant et la femme étaient considérés comme des mineurs, des sans-droits.

La nouveauté du message

     Tirer parti de cet enseignement exige de notre part un cœur désintéressé, libre et ouvert. Sans trop nous en rendre compte, nous sommes portés à accueillir dans notre vie ceux et celles qui peuvent influencer nos choix et nous aider à atteindre le but poursuivi. Cela n’a rien de blâmable, au contraire. Ce qui pourrait l’être, c’est de se servir des autres comme escalier, comme piédestal. Arriver à ses fins, atteindre son idéal est louable si les efforts pour y arriver sont honnêtes et qu’ils servent au mieux-être des autres et de la société. C’est ce que Jésus veut faire comprendre aux Douze à propos du plus grand et du premier (vv. 34-35) en leur proposant en exemple un enfant. Il est le modèle parfait de celui qui doit tout attendre de son père. Il ne peut offrir que son abandon et son amour. Voilà la nouveauté du message!

Une autre échelle de valeur

     Dieu n’emprunte pas notre échelle de valeur pour mesurer notre comportement et c’est tant mieux. En ce qui nous concerne, la plupart du temps nous trouvons beau et grand ce qui correspond aux normes établies. Et on le sait, ces normes varient avec les modes et les courants sociaux. Regardez sourire les jeunes devant certaines photos. À leurs yeux, nous avons vite l’air démodé. Notre date de péremption est de plus en plus rapprochée. Écoutons-nous également raconter notre enfance et  nos années de formation. Ce qui semblait être le meilleur est souvent ridiculisé, voire méprisé. Quelqu’un disait que les traditions ne se retrouveront bientôt que dans les dictionnaires. Je ne lui donne pas tort. Nostalgie? Non, seulement du réalisme.

Le jugement de Dieu

     Si nous disons que Dieu juge le cœur, alors ce qui est grand, beau et bon le restera. Ce cœur donc, tel que façonné par le Créateur, se doit de pardonner les offenses, d’aimer sans convoitise et sans désir de posséder. Ce cœur doit battre pour les autres et se réjouir du bien qui leur arrive. Ces attitudes et ces manières d’agir  ne rendent peut-être pas célèbres les personnes qui les mettent en pratique, mais elles ont le privilège de la durée. Elles se placent bonnes premières dans les valeurs sûres dont notre monde a besoin. Si on leur donnait autant de publicité que celle que l’on consent à donner aux règlements de comptes, à la violence et à la fraude, c’est toute la planète qui serait transformée. C’est cela être grand à la manière de Dieu.

Le secret messianique

     Pour conclure, reprenons l’évangile dans ses toutes premières lignes. Jésus semble prendre un chemin inhabituel pour se rendre à Capharnaüm parce qu’il ne voulait pas qu’on le sache (v. 30); il voulait peobablement être seul avec les siens pour leur livrer son secret. Cela m’amène à penser que le secret de Jésus est aussi le nôtre. Son mystère et aussi notre mystère. Il nous faudra du temps pour entrer dans l’intelligence de cette mystérieuse et secrète réalité. Bien sûr, le « secret messianique » n’en est plus un depuis longtemps! On nous l’a expliquée avec des mots savants. Mais sommes-nous plus prêts que les disciples à l’entendre, à en saisir toute la profondeur? Tant que nous n’aurons pas expérimenté les profondeurs de la souffrance et l’énigme de la dernière place nous demeurerons éloignés du mystérieux secret de Jésus. Notre adhésion croyante restera toujours fragile et menacée. Connaître de l’intérieur prend du temps et du courage. Nous nous surprendrons encore à discuter sur le pourquoi de la souffrance. Nous continuerons à nous interroger sur la vraie grandeur. Nous soupèserons parcimonieusement le poids du véritable mérite.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2326. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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