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4e dimanche de Carême B - 18 mars 2012

 

 

Du serpent à la croix

Le fils médiateur et le jugement : Jean 3, 14-21
Autres lectures : 2 Chroniques 20, 1-17; Psaume 136(137); Éphésiens 2, 4-10

 

Pour le quatrième dimanche de Carême, la liturgie nous propose un passage de l’Évangile selon saint Jean qui nous invite à approfondir le mystère pascal. En effet, il y est question du Fils de l’homme élevé en croix pour procurer la vie éternelle à celles et ceux qui croient en lui.

Sortir de l’ombre

     L’extrait lu en ce dimanche provient de l’entretien entre Jésus et Nicodème (Jean 3, 1-21). Un coup d’œil attentif sur cet ensemble montre cependant qu’après le verset 11, il n’est plus question de Nicodème. On a l’impression que le Christ cesse de s’adresser au pharisien et qu’il livre plutôt un enseignement à ses disciples. Pourtant, Nicodème ne disparaît pas totalement du portrait, puisque le passage se termine sur le contraste entre les ténèbres et la lumière (vv. 19-21). La rencontre entre Jésus et le pharisien ne survient-elle pas, en effet, pendant la nuit (3, 2)? Nicodème est, pour ainsi dire, l’image de celui ou celle qui, tout en étant attiré par la lumière, ne se décide pas à sortir de l’ombre…

Élévation et crucifixion

     Dans l’Évangile selon saint Jean, la mort en croix du Christ est aussi le moment de son exaltation, de sa glorification auprès du Père. De plus, lorsque Jésus parle au verset 14 de l’élévation du Fils de l’homme, il s’agit d’une allusion claire à la crucifixion. Et l’élévation représente ici davantage qu’une simple montée physique, qu’un déplacement vers le haut. L’expression désigne le mouvement du Fils vers le Père, porté par le souffle de l’Esprit. Il avait été question plus tôt d’une « descente » tout aussi symbolique, celle du Fils de l’homme venu du ciel (v. 13). Avec son élévation, la boucle est bouclée : l’envoyé du Père retourne d’où il était venu. Du coup, il réalise un souhait formulé dans les Écritures : avoir accès directement à Dieu (Proverbe 30, 4; Sagesse 9, 16-18). Par son Fils, le Père nous donne désormais cet accès unique.

Se rapprocher de Dieu

     Le texte établit une comparaison entre l’élévation du Fils de l’homme sur la croix et l’épisode du serpent de bronze dans le désert (Nombres 21, 8-9). Dans ce récit, des serpents venimeux mordent des Hébreux qui risquent la mort. Dieu ordonne alors à Moïse de fabriquer un serpent de métal et de l’exposer sur une haute tige. Il suffit ensuite aux personnes mordues par les vipères de regarder l’objet de bronze et elles échappent à la mort. Malgré les apparences, le procédé n’a rien de magique. Il s’agit plutôt d’un geste symbolique par lequel les Hébreux marquent leur désir de revenir à Dieu, de tourner leur regard vers lui. Le serpent, en effet, a été fabriqué par Moïse sur l’ordre du Seigneur. Il vient donc de lui en quelque sorte. Fixer les yeux sur l’objet, c’est donc une manière de se rapprocher de Dieu ou, comme on dirait dans le langage ecclésial, se convertir. En plus de guérir des morsures potentiellement mortelles, la « thérapie du serpent » libérait la personne du péché, celui de perdre confiance en Dieu, de s’éloigner de lui.

Le nouveau Moïse… et même plus!

     En faisant un parallèle entre cet épisode du livre des Nombres et la passion de Jésus, l’évangéliste Jean montre le Christ comme le nouveau Moïse, et même davantage. En effet, si le fait de regarder le serpent de bronze assurait la survie des Israélites dans le désert, se tourner vers Jésus et croire en lui conduit à la vie éternelle. Grâce à ce même serpent, le peuple de Dieu était aussi sauvé du péché. Grâce au Christ, celles et ceux qui croient en lui sont même sauvés de la mort.

     À quelqu’un qui demanderait pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils dans le monde, l’auteur de ce passage pourrait répondre : « Par amour, tout simplement! » Et il pourrait préciser : « Par amour pour le monde. » Et puisque Dieu est animé d’un tel amour, il ne saurait « juger le monde ». Son unique désir est que « le monde soit sauvé ». Mais comme on ne peut forcer qui que ce soit à aimer ou à être sauvé, il reste aux humains un pas à franchir : « Croire […] au nom du Fils unique de Dieu. » Et ce que l’auteur a pu constater, c’est que la partie n’est pas gagnée. Lucide, il sait que bien des gens choisissent de demeurer dans l’obscurité plutôt que de s’exposer à la lumière du salut. D’où cette remarque qui prend presque l’allure d’un avertissement : « Celui qui ne veut pas croire est déjà jugé. » Autrement dit, refuser l’amour de Dieu et son salut, c’est prononcer sa propre condamnation. Accueillir cet amour et ce salut, c’est au contraire laisser entrer la lumière dans sa vie.

Chute et relèvement (2 Ch 36, 14-16.19-23)

     Durant le Carême, les premières lectures ne sont pas choisies pour leur correspondance avec l’évangile, comme c’est le cas durant le temps ordinaire. Elles nous offrent plutôt, d’un dimanche à l’autre, un parcours de l’histoire du salut dont témoigne l’Ancien Testament. Nous passons ainsi des alliances originelles (premier dimanche) jusqu’à la prédication des prophètes (cinquième dimanche). Au quatrième dimanche, l’auteur du Second livre des Chroniques donne son interprétation de l’expérience la plus éprouvante du peuple de Dieu: la chute de Jérusalem et l’exil à Babylone. À ses yeux, il s’agit d’une conséquence du péché des Israélites qui n’ont cessé de multiplier les ruptures d’Alliance. Opérant un remarquable raccourci dans le temps, il décrit aussi comment Dieu se montre miséricordieux et ramène finalement son peuple sur le territoire des ancêtres.

« Il nous a fait revivre » (Ep 2, 4-10)

     Dans la deuxième lecture, tirée de la Lettre aux Éphésiens, saint Paul parle du salut par la foi qui trouve sa source dans l’inépuisable amour du Père. Ses propos se rapprochent de la lecture évangélique : Il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés (v. 5). Saint Jean propose le même message d’espérance lorsqu’il évoque le Christ élevé en croix à la manière du serpent de Moïse. Tout comme cet objet a permis aux Israélites d’échapper à la mort, Jésus ouvre l’accès à la vie éternelle. Tout cela en raison du grand amour de Dieu pour nous qui étions morts par suite de nos fautes (v. 4). La thématique pascale est ici évidente et il n’est pas étonnant que ce passage ait été retenu pour le temps du Carême.

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2308. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Le Temple de son corps et du nôtre