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3e dimanche de Pâques A - 8 mai 2011

 

 

Un chemin déjà prévu?

L'apparition aux disciples d'Emmaüs : Luc 24,13-35
Autres lectures : Actes 2, 14.22b-33; Ps 15(16); 1 Pierre 1, 17-21

 

La mort est certainement l'évènement qui ramène les gens vers les questions essentielles : Qui suis-je? Quel est le sens de la vie? La vie s'achève-t-elle avec la mort? etc. Aujourd'hui l'Évangile nous présente deux personnes touchées par la mort d'un ami : Jésus. Cet homme avait suscité un fol espoir dans leurs esprits : l'avènement d'un monde où chaque personne pourrait connaître le bonheur. Malheureusement Jésus a été arrêté, jugé et exécuté. Les deux disciples qui cheminent le long de la route sont profondément désespérés, car en plus de la mort de leur maître, leur idéal a été réduit en cendres d'une manière particulièrement brutale.

La mort aujourd'hui

     La mort constitue toujours l'expérience-limite qui bouleverse les fondations psychologiques et affectives des gens. Mais, dans certaines sociétés occidentales, la mort est escamotée. Les rites funéraires sont expédiés rapidement. Les gens ne veulent plus être confrontés à cette réalité. Une certaine unanimité se fait cependant en Occident pour dénoncer cette situation. Les proches auraient besoin de parcourir un processus de deuil pour reconnaître et assumer l'absence du trépassé. Les disciples d'Emmaüs sont en train de vivre un tel processus et la personne qui va les soutenir pendant un moment est le Maître qu'ils pensent avoir perdu.

Des paroles libératrices

     Les disciples sont désemparés. Un homme apparaît sur leur route et les disciples acceptent sa compagnie. Avec eux Jésus fait ce que tout intervenant fait aujourd'hui avec des gens marqués par la mort d'un proche. Jésus fait parler ses amis qui lui racontent ce qu'ils ont vécu. Cet acte d'extériorisation est nécessaire. Il peut prendre plusieurs formes : pleurs, paroles ou actes significatifs. Jésus connaît bien l'âme humaine et il incite ses interlocuteurs à parler, à se libérer du poids affectif qui les habite.

Un inconnu?

     Au fil des siècles, les baptisés ont pu trouver bizarre en méditant ce texte que les disciples ne reconnaissent pas Jésus immédiatement. Plusieurs explications ont été données par les érudits pour comprendre ce fait. D'abord, il y a une réponse simple. Ces intimes du Seigneur ne l'ont pas cru. Ils sont restés attachés aux croyances religieuses de leur enfance dans lesquelles un être humain ne pouvait pas revenir du séjour des morts. Donc ils ne pouvaient pas envisager que le Christ était là, vivant, près d'eux. Une autre explication plus subtile serait que l'évangéliste voulait montrer par un procédé littéraire que le Christ ressuscité est différent du Jésus crucifié. Son corps est désormais glorifié. Il n'est plus soumis aux limites humaines comme le temps et l'espace. Cléophas et son compagnon ne peuvent pas reconnaître ce Sauveur qui est revenu à la vie grâce à son Père.

Le plan divin

     Après l'expression de leur peine, le cheminement de foi des disciples peut débuter. Aujourd'hui de nombreuses personnes décident de ne pas suivre le Christ. Contrairement aux disciples d'Emmaüs qui sont émerveillés devant la constance des Écritures qui avaient annoncé la venue du Seigneur et sa résurrection, comme le montre la première lecture, certaines personnes de notre époque sont plutôt rebutées face à la réalité d'un plan divin qui aurait planifié l'évolution de la race humaine. Dans une époque où la liberté humaine est la valeur primordiale, elles rejettent l'idée d'un monde contrôlé par une puissance supérieure. Et ils ont un allié de taille : la science. Celle-ci n'a jamais prouvé l'existence d'une réalité qui aurait créé l'univers et qui le guiderait.

     En fait la pédagogie du Christ semble désuète pour convaincre les individus marqués par la culture scientifique. Cependant,  plusieurs familles chrétiennes ont veillé au grain. Elles ont élaboré une nouvelle pédagogie religieuse où la conscience individuelle est sollicitée. Les spécialistes ont discerné dans les Écritures ce qui était purement religieux et symbolique (les récits de la Nativité, etc.) et ce qui est plus historique (la passion, etc.). Cette élaboration se continue encore présentement et le but ultime de cette adaptation reste toujours le même : provoquer la rencontre entre l'humanité et le Christ.

Un acte symbolique

     Le récit évangélique des disciples d'Emmaüs se termine par un repas. Après avoir exploré les Écritures, Jésus et ses amis se retrouvent à table. Le Seigneur pose alors un geste qu'il a effectué lors de la dernière Cène : la fraction du pain. Et il disparaît par la suite. En posant ce geste, le Ressuscité a réveillé les disciples. Leur Maître, le Sauveur, est là devant eux. Heureux, Cléophas et son copain retournent à Jérusalem et témoignent de leur expérience devant les Onze.

     L'Église demande encore aujourd'hui aux baptisés de témoigner. Cette tâche est même le devoir essentiel de tous les enfants de Dieu. Dans la première lecture de cette célébration, Pierre donne le modèle du témoignage à transmettre. Il certifie que le Fils de Dieu est venu dans le monde, qu'il est mort et qu'il est ressuscité. Il affirme aussi que le Christ est le premier-né d'un nouveau monde, le Royaume, destination des êtres humains après leur mort. Les chrétiens et les chrétiennes auront donc intérêt à s'inspirer de cet exemple donné par celui qui avait reçu de Jésus les clefs du Royaume.

La prédestination

     Depuis les débuts de l'Église, une question cruciale anime les débats : est-ce que l'être humain joue un rôle dans la dynamique du salut?  Un texte comme l'Évangile de cette célébration qui prétend que la venue du Messie était planifiée par la Trinité et que l'Ancien Testament reflète cette volonté peut causer problème aux baptisés de la génération élevée dans une culture individualiste et scientifique. La doctrine de la prédestination cristallise les discussions encore actuelles autour de la relation entre la grâce divine et la liberté humaine. Deux positions extrêmes existent face à cette question. Certains, comme le moine Pélage au 5ième siècle, soutiennent que l'être humain peut se sauver par sa seule volonté. D'autres, comme le réformateur Jean Calvin et saint Augustin, soutiennent que les gens n'ont aucun rôle dans leur salut. Dieu décide d'avance qui sera sauvé et qui sera condamné. La Trinité prédestine les personnes. Calvin soutient même que les condamnés, malgré le bien qu'ils feront, resteront condamnés. Il faut préciser que le réformateur a structuré sa pensée en réagissant aux excès qui pouvaient laisser croire que l'être humain pouvait assurer son salut en achetant des indulgences à l'autorité romaine. Le magistère catholique ne partage pas ces deux positions. Il soutient que Dieu ne condamne pas les gens d'avance. L'être humain a toujours le choix entre le bien et le mal, même s’il est destiné à entrer dans le royaume ou le monde nouveau de Dieu.

 

Benoît Lambert, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2272. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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