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1er dimanche de Carême A - 13 mars 2011

 

 

Gare au mal qui approche

Jésus tenté au désert : Matthieu 4, 1-11
Autres lectures : Genèse 2, 7-9; 3, 1-7a; Psaume 50(51); Romains 5,12-19

 

Le récit des tentations de Jésus nous donne à penser comment le mal fait son entrée dans nos vies. D’emblée, ce récit propose que les humains que nous sommes sont bons de nature. Le mal est personnifié dans la figure du tentateur, le démon, qui s’approche de Jésus au désert. C’est dire que le mal n’est pas une composante intrinsèque de l’être humain, que le mal n’est pas codé dans nos gènes, que le mal ne gît pas au fond de nous et que nous n’avons pas à l’extirper de nous-mêmes. Le mal « s’approche » de nous. Il est loin de nos vies et de nos préoccupations, mais il se rend proche de nos soucis, de nos insatisfactions, de nos frustrations et de nos désirs. Le mal cherche à entrer dans nos vies par les failles et les faiblesses de notre personnalité. Et la porte d’entrée, c’est souvent l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes.

La tentation vise l’identité

     Si tu es le Fils de Dieu… Voilà comment le tentateur essaie de se glisser dans l’esprit de Jésus et le faire dévier de son chemin dans le désert. Comment Jésus se perçoit-il? S’il construit son identité à même la dignité royale ou divine, il pourrait être tenté de commander aux pierres de se transformer en pain pour le nourrir, ou encore, il pourrait être tenté de se laisser choir du sommet du Temple, s’attendant à ce que des anges préviennent sa chute et le protègent. Cette image de lui-même ferait de Jésus quelqu’un soucieux de son bien-être et fier de son statut, exigeant des autres ce qu’il percevrait comme étant son dû. Une fois cette image de lui-même intégrée dans son for intérieur, il n’y aurait plus de limite à ce qu’il pourrait s’imaginer comme droit sur les autres. Les royaumes du monde et leur gloire ne sauraient appartenir de plein droit à un autre… En cédant à une telle vision de lui-même, Jésus se laisserait corrompre par le mal venu lui rendre visite. Mais il se serait perdu de vue; il aurait renié son identité filiale, humaine.

     Le tentateur s’approche déguisé en bon conseiller. Dans le cas de Jésus, il appuie sa deuxième proposition par une citation pertinente des Psaumes (90,11-12). Puisque Jésus a déjoué la première tentation au sujet des pierres à transformer en pain grâce à une parole du livre du Deutéronome (8,3), le démon tente la chance de bien s’introduire dans sa conscience par le biais d’une apparente conformité aux Écritures saintes. Mais il ne suffit pas de citer la Bible pour devenir juste. C’est la soumission filiale à la volonté de Dieu qui permet de lire sa Parole avec justesse.

La fidélité à son identité

     Affamé et affaibli au désert, Jésus se recentre sur son identité filiale et humaine : Il n’est pas un être tout-puissant, en quête de gloire et de reconnaissance universelles; il n’est pas un être divin déguisé en homme et jouant à l’homme invincible, qui pourrait satisfaire ses besoins par un coup de magie et qui n’aurait rien à craindre d’une vulgaire chute dans ce monde matériel. Jésus se reconnaît vrai homme et vrai fils d’un Dieu bienveillant. Il se met à l’école des Écritures saintes pour y découvrir la Parole pleine de sagesse de son Père. Il y apprend que l’homme ne vit pas que du pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Deutéronome 8,3). Il y lit que Dieu est bienveillant, qu’il sollicite notre confiance et que c’est donc déplacé de vouloir le mettre à l’épreuve (Deutéronome 6,16). Il y reconnaît, enfin, que seul un tel Dieu mérite notre reconnaissance et notre adoration.

     De ce point de vue, résister aux tentations, c’est protéger notre personne, notre identité, contre les approches aliénantes, contre les faux conseils de quiconque ne connaît pas vraiment qui nous sommes et ce que nous voulons devenir.

Tentations et fautes « originelles » : se méfier d’un Dieu trompeur

Vous serez comme des dieux (Genèse 3,5)

     Le récit de la première tentation, subie par Adam et Ève, met aussi en jeu la question des identités. Le serpent s’approche d’Ève et lui suggère que la réalité est autre qu’Ève ne la perçoit. La ruse du serpent mène à la distorsion de l’information : en élargissant l’interdit divin de manger à tous les fruits des arbres du jardin, le serpent fait paraître déraisonnable l’ordre de Dieu. Le serpent fait paraître Dieu déraisonnable. Lorsqu’Ève rectifie l’information, précisant qu’ils ne peuvent manger que du fruit d’un seul arbre, celui situé au milieu du jardin, le serpent prête à Dieu de mauvaises intentions. L’interdit divin visait la protection du couple humain : manger de cet arbre-là conduirait à la mort. Le serpent persuade Ève que Dieu leur ment, et que manger de cet arbre-là permettrait aux humains de devenir comme des dieux, connaissant le bien et le mal. Selon le serpent, Dieu serait menteur et Adam et Ève pourraient devenir comme des dieux. Ève se laisse séduire par le mensonge du serpent. Elle et Adam cherchent à se protéger de Dieu et à devenir « comme des dieux ». Lorsque le serpent réussit à introduire la méfiance envers Dieu, lorsqu’il défigure l’identité des humains et de Dieu, il n’y a plus de relation vraie qui puisse se maintenir entre eux. En lieu et place de la confiance filiale, ce sont les masques et les vêtements qui servent à couvrir la vraie nature des individus. Succomber à la tentation, c’est vraiment perdre de vue qui nous sommes et qui est Dieu. C’est vivre dans un monde où la méfiance, la ruse et les apparences ont remplacé les liens fidèles et vrais entre les personnes.

Vivre sous le signe de la vérité

De même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi (Romains 5,19).

     Dans sa Lettre aux Romains, saint Paul réfléchit à la condition humaine. Il constate que tous les humains sont marqués par la mort, c’est-à-dire qu’en nous tous le mal peut s’immiscer, faire son entrée grâce à la ruse, à la méfiance et au mensonge. La capacité d’Adam à désobéir et à pécher nous marque tous, puisque nous sommes faits à son image. La relation à Dieu et aux autres est marquée par la méfiance et les faux semblants, tant que nous n’osons pas vivre ouvertement, sans masque ni fausses prétentions. Paul est persuadé que, puisque le Christ Jésus a réussi là où Adam avait échoué, il est possible désormais pour nous de vivre sous le signe de la vérité, de la justice et de la confiance. Notre identité est marquée par la faute d’Adam, mais elle l’est aussi par la grâce du Christ. Se savoir frères et sœurs de celui qui a résisté aux tentations nous rend forts devant les approches du tentateur. Ne nous laissons pas fourvoyer par la peur ou l’orgueil. Sachons qui nous sommes : des fils et des filles aimés de Dieu!

 

Rodolfo Felices Luna, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2264. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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