Le désir de Jésus
Guérison de dix lépreux : Luc 17, 11-19
Autres lectures : 2 Rois 5, 14-17; Psaume 97(98); 2 Timothée 2,8-13
Les motifs que nourrissaient Jésus en faisant des miracles, n’ont jamais cessé de poser question (surtout aux sceptiques). Voulait-il attirer les foules pour les convertir? Attester sa filiation divine? Démontrer concrètement le sens véritable de sa mission sur terre : mission de compassion et de justice envers les opprimés? Même si tout cela se justifie, la conclusion demeure la même : jamais les gestes de Jésus ne cesseront de nous interroger et surtout de nourrir notre réflexion. Mais disons que l’évangile d’aujourd’hui nous permet, justement, d’ajouter à cette réflexion des considérations non négligeables.
La guérison des dix lépreux
Dix lépreux implorent leur guérison. Jésus exauce leur demande et les guérit tous. Nous ne pouvons invoquer ici le dessein de forcer la foi de ces malades. Bien au contraire! Car si la foi n’a pas suivi la guérison miraculeuse, c’est qu’elle était déjà là. La preuve? Au Samaritain venu le remercier, Jésus lui dira sans équivoque : Ta foi t’a sauvé (Lc 17, 19). Mais cette parole claire, étonnante même, c’est à un étranger qu’elle est adressée. Un étranger qui revient sur ses pas en glorifiant Dieu à pleine voix (v. 15). Il est le seul, semble-t-il, à avoir comblé le désir de son guérisseur. Les autres, les neuf autres, le déçoivent en quelque sorte. L’interrogation de Jésus le souligne d’ailleurs : Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés? Et les neuf autres, où sont-ils? (Lc 17, 17). En ce sens, Naaman le Syrien, lépreux lui aussi, réagit au même mouvement intérieur que celui qui animait le Samaritain : Il retourna chez l’homme de Dieu (Élisée)et déclara : « (…) il n’y a pas d’autre Dieu sur la terre, que celui d’Israël! » (2 Rois 5, 15).
Le désir de Jésus
Jésus, en guérissant les dix lépreux, n’agit pas en solitaire. S’il accomplit le miracle qu’ils demandaient, il était à même d’exiger une réaction de leur part. Le miracle suppose toujours un lien entre le guérisseur et celui qui est touché dans sa chair ou dans son être intérieur. Et si ce lien n’existe pas avant l’événement miraculeux, le miracle devrait le faire advenir. C’est justement ce lien qui importe pour Jésus, bien plus que le signe miraculeux. Jésus donc, dans ce récit et dans beaucoup d’autres, nourrit un désir : soit de voir les miraculés revenir vers lui pour lui rendre grâce et glorifier Dieu, son Père. (Lc 17,15); soit pour les voir devenir disciples (Mt 20, 34). Alors qu’en d’autres cas, son désir sera que le miraculé (un possédé en l’occurrence) poursuive sa vie au milieu des siens pour témoigner de la miséricorde de Dieu (Mc 5, 19). Dans tous les cas Jésus pourra alors laisser jaillir sa joie de voir son désir accompli.
Le moment-clé du miracle
La joie de Jésus d’avoir guéri le corps ou apporté le salut marque le moment-clé du miracle. C’est à cet instant que l’on peut dire que le miracle est pleinement réalisé. Pourquoi? Simplement parce qu’il aura porté les fruits escomptés chez le miraculé : l’action de grâce et l’approfondissement de la foi en Dieu. Le salut peut alors être offert en plénitude autant à l’âme qu’au corps. Cette certitude nous la retrouvons dans les paroles de vérité que Jésus adressera au Samaritain : Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé (v. 19). Oserons-nous dire que les neuf autres ne sont que des miraculés en rémission? La suite des choses nous échappent. Ce dont nous sommes informés c’est que leur guérison est demeurée stérile. Les fruits de la reconnaissance n’ont pas fleuri sur l’arbre de leur vie parce que leur cœur est demeuré fermé à l’action de grâce.
L'émerveillement de Jésus
Si Jésus s’émerveille au cours de sa vie, ce n’est pas sur la main redevenue ferme, ni sur les jambes redevenues solides. Si Jésus s’émerveille ce n’est pas non plus sur les yeux qui voient à nouveau le soleil, ni sur les oreilles qui entendent enfin les bruits du monde des vivants. Si Jésus s’émerveille, ce n’est même pas sur l’enfant ou l’ami qui reviennent à la vie. Jésus s’émerveille d’abord devant l’action de grâce et l’acte de foi. Ce sont ces deux mouvements spirituels qui rendent possibles le miracle. Ces deux mouvements restaurent ou affermissent le lien entre l’être humain et son Dieu. Ce lien attache et enracine également la fidélité au Christ pour toujours. Souviens-toi de Jésus Christ, écrira Paul à Timothée (2 Tm 2, 8). C’est-à-dire, n’oublie aucun de ses bienfaits.
Le tissu de la prière
Toute prière véritable est tissée sur la même trame : la foi en la toute-puissance divine et la reconnaissance: Lorsque vous demandez quelque chose, croyez que vous l’avez déjà reçu, et cela vous sera accordé (Mt 11, 24). Cet exaucement prendra plusieurs formes : acceptation sereine de la maladie; guérison du corps ou du cœur; changement de vie conduisant à la conversion. C’est là le mystère divin. Mais quelque part au vu et au su du priant ou ignoré de lui et des autres, il y a un changement qui s’opère. La prière fervente et croyante installe les orants au cœur même du désir de Dieu de voir ses enfants lui accorder leur confiance.
La communion entre Jésus et son Père
Réfléchissant sur ce miracle et sur les considérations qu’il suscite, il m’est apparu que la communion entre Jésus et son Père est de même nature que la communion qui doit exister entre le miraculé et Jésus. Ainsi lorsque Jésus prononce ces paroles : Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours (Jn 11, 41-42), il est sur le point de ressusciter son ami Lazare. Il le fait en rendant grâce et il agit selon la volonté de Celui qui l’a envoyé.
La prière de Jésus modèle de la nôtre
Adresser à Dieu un merci pour les merveilles qu’il opère en notre faveur depuis notre naissance et dans le monde, et lui adresser également un merci pour les bienfaits de demain autant que pour ceux d’hier devrait être au cœur de toute prière chrétienne. À l’instar de celle de Jésus, l’action de grâce doit en être la dominante. Les signes de Jésus ne sont pas épuisés, on le sait. Ils seront même plus grands encore (Jn 14, 12), ces signes qu’ils préparent pour ceux-là qui croiront en lui et qui ne cesseront de lui rendre grâce.
Le salut accordé à tous
Le Samaritain n’était pas tenu aux prescriptions des juifs, ni concernés par les promesses divines faites au peuple choisi. Le Syrien Naaman non plus. Mais ces hommes accèdent pourtant au salut. L’Église a reçu la mission de proclamer les paroles et les actions de Jésus au monde entier. Elle propose son message de paix et de justice à tout l’univers quelles que soient la culture et la religion des peuples. L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Toutefois, elle annonce sans cesse le Christ qui est la voie, la vérité et la vie (Jn 14, 6) Déclaration Nostra Aetate # 2. En affirmant ceci, l’Église reconnaît que l’Esprit agit au cœur de toutes personnes honnêtes et bien pensantes.
Source: Le Feuillet biblique, no 2242. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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