Un itinéraire libérateur
Guérison de l'aveugle Bartimée : Marc 10, 46b-52
Autres lectures : Jérémie 31, 7-9 ; Psaume 125(126) ; Hébreux 5, 1-6
La Bonne Nouvelle de cette célébration peut sembler anodine, superficielle. Ce serait le récit d’un autre miracle qui confirmerait la grande puissance de Jésus. Mais Marc, à travers cette narration, livre le parcours d’un croyant qui décide de suivre le Christ.
Un cri du cœur
Certains mouvements contemporains comme les Alcooliques anonymes et les Narcomanes anonymes utilisent un parcours en 12 étapes qui est conçu pour briser les compulsions. La première étape dans le cheminement qui mène vers l’harmonie psychologique, la sérénité, consiste dans la reconnaissance de son impuissance à modifier certaines situations. Il va sans dire que la personne atteint souvent cet état après avoir essayé tous les moyens humains à sa disposition pour s’en sortir. À notre époque, ces moyens sont nombreux, qu’ils soient inspirés des découvertes scientifiques, les ressources humaines sont plus nombreuses. L’admission de son incapacité à s’en sortir seul peut donc ne jamais se produire grâce à l’accumulation des moyens humains, mais certaines personnes accèdent encore à ce stade.
Les parcours en 12 étapes désignent la source qui peut suppléer aux forces humaines par le terme de « puissance supérieure ». Pour Israël, dans l’Ancien Testament, cette force qui dépasse l’humanité s’appelle Yahvé. Durant l’Exil à Babylone, la nation sainte s’est tournée vers Yahvé et à demandé à grands cris sa libération : « Seigneur, sauve ton peuple, le Reste d’Israël. » Pour les membres de l’Église, Jésus Christ représente cette source de pouvoir qui peut amener la lumière dans l’obscurité de l’accablement. L’aveugle Bartimée apparaît comme le prototype de la personne plongée dans le péché et dans la mort. Affecté d’une condition que la médecine antique ne peut guérir, il crie son découragement quand il sait le Christ proche de lui : Fils de David, aie pitié de moi.
Deux réponses
Jésus accueille l’appel de Bartimée comme il a reçu les prières de beaucoup d’autres personnes accablées par la maladie. Voyant l’insistance de l’aveugle, il demande qu’on le laisse venir à lui. Il faut remarquer la délicatesse du Christ. Jésus n’est pas un super héros qui se précipite immédiatement lorsqu’il reçoit un appel à l’aide. Au contraire, il respecte la vitesse de chaque liberté humaine. Bartimée va répondre rapidement à l’appel de Jésus : il bondira et ira à la course vers le Sauveur. Pour plusieurs raisons, d’autres individus sont plus lents. Mais, élément commun à toutes les démarches croyantes, Jésus ne défonce pas les portes du cœur humain. Il attend plutôt que l’aveugle ouvre son cœur.
Une prise de conscience
Bartimée s’est précipité vers Jésus. Il faut noter que le Maître demande à Bartimée de préciser son désir. Une étape de réflexion s’intègre donc dans le cheminement croyant. En face du Christ, le disciple doit définir ce qui lui redonnerait espoir. Il doit prendre conscience des désirs de vie et de lumière qui reposent au fond de son esprit. Bartimée prend conscience de ce désir et le verbalise : Rabbouni, que je voie. Durant l’Exil, Israël, a explicité à travers les prophètes le souhait de revenir dans le pays des ancêtres. Dans les parcours en 12 étapes, cette phase de la reconnaissance des aspirations reste un préalable à tout changement.
L’acte libérateur
Après le cri, la réponse à l’invitation du Seigneur et la prise de conscience des attentes, le miracle s’est produit. Israël a réintégré la terre promise et Bartimée a retrouvé la vue. Les gens qui font un voyage intérieur vers le Ressuscité retrouvent aussi la lumière qui rayonne dans les ténèbres. La compulsion est brisée, le désespoir s’amenuise.
Devenir disciple
Le miracle, l’acte libérateur ne constitue pas la dernière étape du parcours de la foi. Dans l’Évangile Bartimée a décidé de suivre le Christ. Les chrétiens et les chrétiennes qui ont trouvé la clarté procurée par la Trinité sont invités à ne pas rester en place mais à prendre un nouveau départ. La personne qui a traversé les 12 étapes dans les différents groupes qui ont pour fondement l’anonymat peut désormais débuter une vie nouvelle, car la puissance supérieure a brisé les chaînes de la compulsion. Elle est invitée à agir en aidant les autres qui ont une dépendance semblable tout comme les disciples du Christ sont conviés à pratiquer la charité après avoir rencontré le Seigneur.
Le seul Grand Prêtre
Dans l’extrait de la Lettre aux Hébreux proclamé en seconde lecture durant cette liturgie, les enfants de Dieu retrouvent une des raisons majeures de leur foi en Jésus Christ : Jésus est désormais l’unique Grand prêtre. Ce personnage dans l’Ancienne Alliance était l’intermédiaire privilégié entre l’humanité et la divinité. Jésus est devenu ce nouveau médiateur dans le Nouveau Testament parce qu’il a connu l’expérience humaine, notre condition faible et vulnérable. Jésus est aussi le premier être humain qui a vécu la vie du Royaume. Il est donc le Premier-né d’une multitude de frères et sœurs. Jésus est aussi le nouveau Grand Prêtre car il est aussi l’unique Fils du Père. Il est donc le seul être simultanément divin et humain. Il peut donc parler aux deux partenaires du nouveau pacte parce qu’il les comprend parfaitement. « Il est donc prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melchisédech. »
Melchisédech
L’Épître aux Hébreux est le seul livre du Nouveau Testament qui évoque ce personnage mystérieux. L’Ancien Testament le mentionne brièvement au début de l’histoire du peuple hébreu (Gn 14, 17-21). Abraham, après avoir quitté Sodome et combattu des groupes ennemis, rencontre le roi de Shalem, Melchisédech. Celui-ci est aussi prêtre du Très-Haut et apporte du pain et du vin au père d’Israël. Abraham lui offre une dîme. Melchisédech, dans l’Épître aux Hébreux, est une figure qui annonce le Christ. D’abord ce personnage est un prêtre du Très-Haut qui, dans le contexte de la Genèse, signifie Yahvé, le Dieu unique. Jésus Christ est aussi le prêtre du Dieu Unique, son Père. Melchisédech ne fait pas partie, comme le Seigneur, du clergé traditionnel d’Israël. En effet, les prêtres de la nation sainte étaient tous descendants d’Aaron. Melchisédech a vécu au temps d’Abraham. Il n’est donc pas le descendant d’Aaron tout comme le Seigneur. En plus, l’Ancien Testament ne parle pas de sa généalogie. La différence de son sacerdoce est encore plus accentuée par cette omission. La forme de ce sacerdoce différent prend toute son ampleur dans le Christ. Le sacerdoce de la Nouvelle Alliance est désormais un sacerdoce spirituel fondé sur un appel intérieur du Père. Ce n’est donc plus un sacerdoce basé sur l’appartenance à une famille ou à une caste. Melchisédech préfigurait ce changement radical.
Source: Le Feuillet biblique, no 2201. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Nous le pouvons!
|