Si loin, si proche !
Baptême et tentation de Jésus : Matthieu 1, 7-11
Autres lectures : Isaïe 51, 1-11; Cantique : Isaïe 12 ; 1 Jean 5, 1-9
Les Fêtes passées, nous voici plongés dans l'incertitude des temps ordinaires. Les vœux de paix étant distribués, nous nous désolons que cette paix soit rendue impossible par les agissements de profiteurs ou d'idéologues sans pitié. Notre incertitude n'est pas physique, alimentaire. Elle se loge au niveau du cœur et de l'âme. Où trouver une certitude, une qualité de vie qui nous permette de passer à travers les remous, les insécurités? Ces temps exigent un supplément d'âme, un coup de cœur additionnel. Au moment où tant de gens perdent pied et perdent courage, où trouver un point d'appui à toute épreuve?
Si le Dieu de Jésus Christ est Dieu, tel que notre intelligence le conçoit, il est infiniment différent, et infiniment distant de nous. Dans cette logique, il faut s'en tenir au bon vieux proverbe : « Qui s'assemble se ressemble... ». Ce dicton de mon enfance mâtait mon imagination, lorsque je croyais possible l'amitié de tel fils de riche ou la considération de tel personnage puissant. « Le petit monde ne fonctionne qu'avec le petit monde ». Dans ce contexte terre-à-terre de sagesse populaire, l'affirmation divine de la première lecture semble réaliste : Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres... (Isaïe 55, 9). Dieu est absolument différent de nous. Les théologiens parlent de la « transcendance » de Dieu. De quel droit prétendons-nous le mettre de notre côté?
Dieu se fait proche, grâce à Jésus
La distance entre Dieu et nous est immense. Il nous reste une chance de la franchir. Ce que notre intelligence ne peut nous fournir, nous devons le recevoir, comme une grâce, comme un cadeau. « La foi chrétienne n'est pas l'ascension de notre intelligence vers un Dieu des idées, elle est l'accueil de ce que Dieu a bien voulu nous dire de lui » écrit André Sève.
Et si les chemins de Dieu, différents de nos chemins de pensée, lui permettaient au contraire de se faire proche de nous? N'est-ce pas ce que nous avons fêté dans ces fêtes de Noël, du Jour de l'An et de l'Épiphanie?
Nous sommes certains de ce que nous croyons parce que nous connaissons un véritable messager de Dieu. Nous avons reçu le témoignage de Jésus, confirmé par le témoignage de Dieu. Nous connaissons les transformations qu'il opère depuis 2000 ans dans la vie de tant de gens comme nous. Ce témoignage nous révèle que Dieu n'est pas indifférent à ce qui se passe entre nous. Jésus est donc plus qu'un personnage historique intéressant. Il est le Fils de Dieu, celui dont les mots viennent vraiment fonder nos espoirs, notre foi, notre charité.
Dieu le Père le confirme au moment où Jésus participe au rite de la plongée dans le Jourdain, ce rite d'adhésion profonde que vivaient tant de gens pieux de son époque. Cette confirmation de son identité, nous la recevons comme cadeau à forte densité de certitude. Elle nous justifie de prendre appui plus que jamais sur Jésus pour inventer des solutions inattendues aux mêmes vieux problèmes qui rebondissent encore et toujours.
Le baptême de Jésus
En racontant le baptême de Jésus, l'Évangile selon saint Marc met en évidence la valeur irremplaçable de Jésus pour nous, lecteurs de l'évangile.
L'évangile affirme que Jésus seul voit les cieux se déchirer, qu'une voix venue de ces lieux lui apprend son identité. Cela conteste les affirmations à la mode. Jésus n'est pas un magicien, un guérisseur étonné et déçu d'être considéré soudain comme Fils de Dieu. Jésus fait partie de la maison de Dieu depuis toujours, selon le témoignage de son Père, et pour toujours, au long de sa vie terrestre, et après sa glorification. Cette permanence est soulignée dans la deuxième lecture : Ils sont trois qui rendent témoignage, l'Esprit, l'eau et le sang, et tous les trois se rejoignent en un seul témoignage (1 Jean 5, 7-8). Autant l'eau du baptême, la présence constante de l'Esprit de Dieu que le sang de la croix parle de la valeur du Fils de Dieu.
Dans ce récit du baptême de Jésus, aucun témoin ne semble voir et entendre ce que le Père dit à Jésus. Personne, sauf le lecteur de l'évangile à qui est confié le secret de l'identité de Jésus dès le début du récit. Le lecteur sait l'essentiel avant les disciples, avant les Juifs, avant tous les autres personnages! Belle façon de faire comprendre aux lecteurs attentifs qu'ils font partie de cette maisonnée divine. C'est un honneur sans commune mesure avec les seules possibilités humaines.
Dieu est solidaire, grâce à Jésus
En vivant le baptême, Jésus pose un geste humain de retour à Dieu. Ce geste fait prendre conscience de la solidarité que Jésus vit avec l'humanité. Jésus, Fils de Dieu fait homme, n'a pas choisi seulement le beau côté de l'humanité, celui qui fait que nous sommes charmants, polis, agréables à vivre... Non. Jésus vit une solidarité avec notre humanité prise dans les filets du mal.
Voilà un de nos plus grands problèmes, que cette solidarité dans le mal. On pense qu'on aime parfaitement, on affirme qu'on est au-dessus de la pratique religieuse, on pense qu'on est parfaitement charitable et, soudain, on se trouve comme piégé dans une situation impossible, un conflit entre des gens que l'on aime, une situation en porte-à-faux, une situation où l'on se fait manipuler...
Parce que Jésus est Fils de Dieu enraciné dans notre humanité, nous ne sommes plus enfermés dans cette solidarité du mal. Nous vivons une solidarité positive qui s'avère pour nous une chance d'accéder à la qualité de Dieu, à sa perfection, à sa sainteté.
Si Jésus a vu le ciel se déchirer, si nous voyons Jésus qui voit, c'est pour nous apprendre que le contact entre Dieu et l'humanité est désormais accompli avec une qualité absolue, parfaite. La deuxième lecture l'a rappelé : Tout homme qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu (1 Jean 5, 1).
La fête du baptême de Jésus ne consiste pas à dire béatement : « Jésus, il est donc bon... lui ! » Jésus n'est pas qu'un « Fils à papa » ! La fête qui clôt le temps de Noël solidifie notre foi au Fils de Dieu en nous insérant dans une humanité qui participe aux largesses de Dieu.
Source: Le Feuillet biblique, no 2169. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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