Un regard qui guérit
Le fils médiateur : Jean 3, 13-17
Autres lectures : Nombres 21, 4b-9 ; Psaume
77(78) ; Philippiens 2, 6-11
La tradition nous apprend que la vraie croix, celle au bois duquel avait été suspendu Jésus, a été retrouvée par Hélène, la mère de Constantin.
Le 13 septembre 335, l'empereur romain, pour le trentième anniversaire de son avènement, invite les Pères conciliaires, réunis à Tyr, à se joindre à lui pour célébrer la dédicace de la basilique du Golgotha et de la Résurrection. Cette église construite à Jérusalem sous ses ordres, se dressait sur le monticule du Calvaire. Le lendemain de la dédicace, soit le 14 septembre, l’évêque de Jérusalem montre pour la première fois à la foule émue, le bois sacré de la croix et à la demande de l’empereur, les Pères décrètent que la célébration annuelle de la dédicace et de l’exaltation de la Sainte Croix aural lieu le 14 septembre. On nous apprend également qu’un morceau de la Croix a été apporté à Constantinople. Dans cette ville donc, on peut y célébrer la fête en vénérant la relique. Dès le VIIe siècle, la célébration de la Croix glorieuse se répand dans tout l’Orient. Puis on la retrouve à Rome au temps du pape Serge (687-701). Dans la notice du Liber pontificalis laissée par ce pape, on peut lire : En la sacristie du bienheureux apôtre Pierre, se trouve un reliquaire où est renfermée une précieuse et considérable portion du bois salutaire de la croix du Sauveur. Au jour de l’Exaltation de la sainte croix, le peuple chrétien baise et adore cette relique dans la basilique constantinienne du Saint-Sauveur. Voilà donc pour l’histoire.
La croix réhabilitée
Le paradoxe de la croix n’échappe pas aux chrétiens qui pourtant la vénèrent depuis des siècles. L’instrument du supplice réservé aux bandits notoires est devenu par la crucifixion du Christ un signe de la bonté de Dieu pour sauver l’humanité. Dans ce signe, la mort et la résurrection sont intimement liées. Le terme Rédempteur est introduit dans la mesure où l’on parle de Jésus rédempteur, celui qui nous rachète et nous libère de l’esclavage du péché. Ainsi le refrain du Psaume 77 choisi pour la messe de la fête d'aujourd'hui : Par ta croix, Seigneur, tu nous rends la vie, prend toute sa force et tout son sens car il réhabilite la croix du Calvaire.
Le regard qui sauve, au désert
Au désert, les Hébreux, dans leur marche vers la Terre promise, à la suite de leur libération, avaient récriminé contre Dieu et contre Moïse. Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante et beaucoup en moururent (Nombres 21, 6). Le peuple se repentit et vint vers Moïse en disant : Nous avons péché en parlant contre Yahvé et contre toi. Intercède pour nous (v. 7). Alors Moïse façonna un serpent de bronze et le fixa sur un étendard et, poursuit le texte : Si un homme était mordu par quelque serpent, il regardait le serpent et restait en vie (v. 9).
Le regard qui sauve, au Calvaire
Le regard de Jésus, regard voilé par le sang qui coule sur son front meurtri par la couronne d’épines, continue de sauver le monde. Non seulement il nous regarde, mais il nous oblige aussi à lever les yeux vers lui et à proclamer son nom car Dieu l’a élevé au-dessus de tout; il lui a conféré un Nom afin qu’au nom de Jésus tout être vivant tombe à genoux (Philippiens 2, 9-10). Lever les yeux vers la croix, suppose un geste de foi, un geste d’amour aussi. On le sait, le regard transmet à lui seul tout un message. Être regardé peut changer une vie pour le meilleur ou pour le pire. Un regard de mépris peut marquer un enfant pour la vie. Des prisonniers et même des meurtriers en témoignent. De même un regard de confiance peut faire renaître ou du moins garder en vie la plus coupable des personnes. Heureux, heureuse qui a été regardé-e avec affection et tendresse ! Heureux, heureuse qui cherche le regard du Christ et plus heureux encore qui se laisse regarder par lui pour changer son cœur.
Tout mettre au pied de la croix
Je me souviens d’une parole de ma mère lorsque, enfants, nous avions de la peine. Peine causée par des petits malentendus ou par des moqueries mesquines : Mets cela au pied de la croix, nous disait-elle. Que faisions-nous de ce conseil? Certains trouvaient cela plus facile à dire qu’à faire. D’autres l’écoutaient avec un brin de scepticisme. Mais aujourd’hui, l’âge et l’expérience aidant, je ne puis que donner raison à cette croyante. Il y a des épreuves insurmontables par nos propres moyens humains. Il y a des ruptures, des deuils qui ne peuvent guérir que par le temps, et encore! Mais seule la foi en Celui qui a connu la souffrance, une souffrance salvifique, peut vraiment achever le processus de guérison. Mettre au pied de la croix ce qui nous meurtrit c’est risquer que le Sang du Christ vienne s’y déposer comme un baume pour y commencer, en douceur, la cicatrisation de la blessure.
Le regard qui guérit
Jean, le disciple bien-aimé, celui qui a eu l’insigne privilège d’être au pied de la croix pour recevoir les dernières paroles de Jésus, fait allusion, nous l’avons dit, au serpent de bronze pour parler de l’élévation du Christ en croix et en dégager toute la symbolique. En effet, relu dans la lumière de Pâques, ce symbole évoque le mystère du Christ crucifié dont la seule vue peut nous guérir de nos maux physiques, oui, mais surtout de nos maux spirituels. Cette guérison s’accomplit par et dans l’amour : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui, ne périra pas, mais il obtiendra la vie (v. 16). La croix manifeste à tous les humains l’amour de Dieu pour le monde, pour ce monde que Dieu appelle à son service et à sa louange. C’est là toute la gloire attachée à cet instrument jadis ignominieux : servir à enseigner à tous les hommes et à toutes les femmes de la terre que l’amour de Dieu va jusqu’à la folie, la folie de la Croix!
Le geste étonnant de Moïse
Un dernier mot sur le geste de Moïse d’élever un serpent de bronze, un serpent guérisseur. D’aucuns y voient un relent d’une tradition païenne et ils n’ont probablement pas tort. Les Hébreux sont au seuil de la foi en un Dieu unique. Le vrai Dieu est en train de se révéler à eux petit à petit. Ils sont donc en marche vers le monothéisme. L’auteur sacré a voulu, semble-t-il, relier un objet idolâtre à une volonté de guérison de la part de Dieu. La leçon à tirer est simple : Dieu passe à travers le signe tout déroutant soit-il! Dieu peut se servir d’un non-croyant pour nous attirer à lui. Pourquoi pouvons-nous l’affirmer? C’est que Dieu chemine à notre pas. Il nous accompagne. Jamais il ne nous devance dans la compréhension de ses desseins ni dans notre histoire personnelle. Son respect va jusque là! Le respect c’est une des plus belles manières de dire : « Je t’aime et j’ai confiance en toi ! »
Source: Le Feuillet biblique,
no 2152. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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