Un pardon, un second appel, une même mission
Le Seigneur ressuscité apparaît au
bord de la mer de Tibériade : Jean
21, 1-19
Autres lectures : Actes
5, 27b-32.40b-41 ; Psaume
29 (30); Apocalypse
5, 11-14
Le récit de ce dimanche pourrait sintituler
: la seconde vocation de Pierre. Vocation qui fut définitive
pour lapôtre. Entre le premier appel, qui se situe au
début de la vie publique de Jésus, et celui qui nous
occupe, il y a une évolution parallèle. Examinons
donc ces ressemblances, elles nous aideront à mieux saisir
le thème privilégié pour ce dimanche.
L'appel définitif
Dans les deux circonstances vocationnelles,
il y a un signe miraculeux : une pêche abondante, imprévue
et subite. Lors de la première rencontre, lappelant
est un jeune rabbi qui demande à Pierre de lui prêter
sa barque (Luc 5, 3). Dans la seconde, lappelant
est un individu qui nest pas immédiatement reconnu
par Pierre, le chef du groupe des pêcheurs (Jn
21,4). Lors des deux événements, cest le
coup de filet inespéré et surabondant qui permet la
reconnaissance. Cette reconnaissance suscite da-bord chez
Pierre un acte dadoration (Lc
5, 8). Puis, lors de la seconde pêche miraculeuse, elle
se manifeste par un cri du cur : Cest le Seigneur!
(Jn 21, 20)
Lenvoi en mission
Entre ces deux appels de Jésus
à Pierre, trois années se sont écoulées.
Trois années fécondes en enseignement. Trois années
où la suite de Jésus sest transformée
en belle et solide amitié. Le Maître et le disciple
ont appris à se connaître et même à se
deviner. Dailleurs le récit daujourdhui
en témoigne. Cest pourquoi il est bon dajouter
ici une autre ressemblance entre les deux événements
: celle de la mission. Dès le premier appel, Jésus
indique à Pierre que ce sera désormais des hommes
quil prendra (Lc
5, 10). Et il en est ainsi dans le second : Pais mes brebis
(Jn 21, 17). Ce qui est différent dans cette dernière
rencontre, cest lallusion discrète au péché
de Pierre.
Une faute engloutie par lamour
Lorsque le jeune Pierre se
rend compte du miracle de la pêche, il reconnaît son
indignité et sa condition pécheresse : Seigneur
éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur (Lc
5, 8). Lorsque lapôtre sera témoin de la seconde
pêche miraculeuse, le rappel de cette même condition
pécheresse se fera à travers un dialogue répétitif.
Ce rappel est tellement voilé que les témoins de la
scène ne semblent pas lentendre. Mais Pierre, lui,
à cause de cette intimité quil a avec Jésus,
a saisi le doux reproche. Aussi il se montre attristé (v.
17) lorsque son Seigneur lui pose trois fois lunique et
même question : Pierre, maimes-tu plus que ceux-ci?
(v. 15). Mais ne nous y trompons pas, cette demande réitérée
poursuit un but bien précis : engloutir la faute du triple
reniement de Pierre par sa triple protestation damour envers
Jésus.
Un geste de confiance
Aimer davantage parce
que lon a péché grandement : voilà ce
qui enracine la maturité spirituelle. Cest pourquoi
Jésus nhésite pas à confier son Église
à Pierre en linstituant Berger (v.
18), cest-à-dire responsable du troupeau si cher
à son cur. Jésus a prié pour cet instant
: Simon, jai prié pour que ta foi ne défaille
pas (Lc 22, 31). Et cette parole sest réalisée
dans lhumilité de la faiblesse humaine et dans les
larmes de la repentance.
Un regard de tendresse
Si les paroles de Jésus
ont permis à Pierre de lui prouver son amour et sa fidélité,
cest son regard de tendresse qui la remué jusquau
fond de lâme. Ce genre de regard lui a permis non seulement
de se relever mais de se tenir debout, bien droit, dans la lumière
de ce petit matin qui prend lallure de lapothéose
de lAmour. Comme tous ceux-là à qui Jésus
avait pardonné les péchés, Pierre voit son
cur sagrandir comme un filet de pêche où
aucune déchirure ne se voit (v.
11) même si labondance damour qui le remplit
risque de le faire éclater. Pierre laisse ce cur à
découvert : Seigneur, tu sais tout, tu sais que je taime
(Jn 21, 17).
Une expérience universelle
Jésus nest plus.
Pierre et les siens éprouvent le vide de labsence.
Celui quils avaient côtoyé familièrement
depuis près de trois ans leur a été ravi. Car,
on le sait, plus les rapports sont amicaux et sincères plus
labsence est difficile à supporter. Alors pour combler
la béance, sinstallent le souvenir des joies et des
peines. Alors aussi samènent les regrets, les impossibilités
de dire les mots affectueux trop souvent retenus. Mais labsence
fait aussi surgir des images qui ne pourraient venir au jour sans
cette inaccessibilité définitive de la personne disparue.
Une bouffée de tendresse émerge alors, un pardon accordé
monte aux lèvres, des gestes de bonté, tel un banal
petit déjeuner, prennent une ampleur quils navaient
pas lorsquils furent posés dès le lever du
jour. Le souvenir rend souvent plus réelle la présence
de lêtre qui nous manque.
Lhéritage chrétien
Nous qui navons pas connu
le Jésus historique, ni contemplé les traits, ni entendu
sa voix et ses paroles, nous avons cependant un trésor à
conserver : celui de notre héritage chrétien. Ce dépôt
précieux consiste à croire en la résurrection
de Jésus sans avoir vu (Jn 20, 29). Cest là
le fondement de notre foi. Cest pourquoi lon sétonne
de constater que des chrétiens lorgnent vers dautres
croyances, telle la réincarnation si chère à
la tradition bouddhiste mais incompatible avec la nôtre. Lévangile
de ce jour veut nous faire entrer un peu plus dans ce mystère
de la vie du Ressuscité et ainsi raffermir notre foi.
Lautre présence
Après la mort de Jésus
rien ne peut empêcher les apôtres denseigner le
nom et la vie de Jésus : Nous sommes les témoins
de tout cela, diront-ils devant le grand conseil (Actes
5, 32). Cest donc sur cette foi des témoins que repose
la nôtre. Des témoins qui ont subi le fouet (Ac
5, 40) et qui subiront le martyre pour avoir choisi dobéir
à Dieu plutôt quaux hommes (Ac 5, 29). Nous
sommes de leur race. Avec eux nous vivons de sa présence
autrement. Dans la résurrection de Jésus, toutes les
créatures ont vaincu la mort avec lui. Elles sont conviées
à entourer le Trône de lAgneau immolé
en prenant part à la multitude des vivants à jamais
(Apocalypse
5, 11-13). Les 153 poissons, dont le filet est rempli, sont
le symbole de luniversalité du salut en Jésus.
Les traces de sa présence
Le rôle des chrétiens
consiste justement à révéler les traces de
sa présence. Dabord en le faisant connaître par
les évangiles et les Écritures. Puis en redisant ses
paroles pour réconforter et interpeller au besoin. Ne pourrait-on
pas dire, à propos dun baptisé qui refuserait
de se comporter ainsi, que son baptême ne lui a donné
quun prête-nom au lieu dune identité personnelle?
Source: Le Feuillet biblique,
no 2097. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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