Les temps sont durs!
Annonce de la destruction du Temple : Luc
21, 5-19
Autres lectures : Malachie
3, 19-20a;
Psaume
97(98); 2
Thessaloniciens 3, 7-12
La littérature et le cinéma ont rendu
populaire le genre « catastrophe » identifié
souvent à lapocalypse. Les spécialistes de ce
courant littéraire bien spécial appelé apocalyptique
ne sont évidemment pas daccord avec cette assimilation.
Il faut pourtant reconnaître que le Nouveau Testament, et
pas seulement le livre de lApocalypse, contient certains passages
au ton plutôt menaçant qui laissent les lecteurs perplexes
et inconfortables.
Ces discours de Jésus, transmis
sous des formes un peu différentes dans les trois évangiles
synoptiques, mêlent le thème de la fin de lhistoire
et de lavènement du Royaume avec des allusions plus
ou moins explicites à la prise de Jérusalem par les
Romains en 70, suivie de la destruction du Temple. Au moment où
Luc met la dernière main à son évangile, sans
doute durant les années 80, ces événements
appartiennent à un passé récent et sont encore
présents dans les mémoires. Par ailleurs, dautres
sujets de préoccupation sont apparus pour la communauté
chrétienne. Lhostilité de la communauté
juive na cessé de croître depuis le désastre
de la Première Révolte; du côté romain,
lempereur Domitien soppose aux chrétiens comme
aux Juifs parce que les uns et les autres refusent de lui rendre
un culte comme à un dieu. Tout cela se reflète dans
la composition du discours. Il ne sagit pas dun enseignement
intemporel mais dune prise de parole ajustée aux besoins
des destinataires. Bien entendu, cela ne signifie pas que ces textes
nont plus de valeur aujourdhui. Les chrétiens
et les chrétiennes de tous les temps sont confrontés
à des crises et à des situations qui paraissent sans
issue. À travers les images parfois surprenantes de ces discours,
lÉglise est toujours invitée à trouver
courage et espérance.
Certains parlaient du temple... (v. 5).
La scène se passe dans lenceinte
du temple (cf. Luc
20, 1). Le groupe réuni autour de Jésus comprend
sans doute ses disciples mais aussi des auditeurs anonymes, résidants
de Jérusalem ou visiteurs occasionnels. On pourrait même
penser, en lisant le verset
5, que certains voyaient le temple pour la première fois.
En annonçant la destruction
du sanctuaire Jésus prend le relais des anciens prophètes,
surtout de Jérémie. Selon ce prophète, linfidélité
chronique du peuple élu à lAlliance force Dieu
à abandonner la demeure quil sétait choisie;
le bâtiment devenu inutile est livré aux ennemis pour
être détruit (Jérémie
7, 1-15; 26,
1-6). Jérémie fut arrêté pour ces
propos (Jr
26, 7-19); un autre prophète fut mis à mort pour
le même motif (Jr
26, 20-24). On sait que, lors du procès de Jésus,
la principale accusation formulée contre lui concernait des
propos quil aurait tenus contre le temple (Marc
14, 58). Le même grief revient lors de larrestation
dÉtienne (Actes
6, 13-14). Laffaire est donc sérieuse. Sen
prendre au temple remet en cause toute la conception des relations
entre Dieu et Israël. Et puisque Israël nexiste
que comme peuple de Dieu, partenaire de lAlliance, son existence
elle-même semble compromise. Jésus ouvre ainsi la porte
à une nouvelle Alliance, une relation de Dieu avec lhumanité
établie sur des bases différentes.
La réaction des auditeurs
paraît plutôt sereine. Ils ne sindignent pas à
lidée de la destruction du temple; ils ne demandent
pas « pourquoi? » mais seulement : Quand cela arrivera-t-il?
et : quel sera le signe que cela va se réaliser? (v.
7). Jésus ne répond pas à la première
question et sa réponse à la deuxième est, comme
souvent, déconcertante.
Les versets
8 et 9 se réfèrent à des circonstances
historiques qui paraissent précises. Le premier siècle
de notre ère a vu surgir quantité de pseudo-prophètes
et de messies auto proclamés (cf. Ac
5, 35-37). Le phénomène sest reproduit régulièrement
au cours de lhistoire, spécialement durant les périodes
troublées. Jésus met en garde ses disciples contre
la tentation de suivre lun ou lautre de ces agitateurs.
Par ailleurs, quelle époque na pas connu son lot de
guerres et de soulèvements (cf. v.
9)? Les indications données par Jésus ne peuvent
donc pas sappliquer à une période déterminée;
elles sont vraies à toutes les époques.
La deuxième partie de la réponse
(vv.
10-11) reprend des images classiques du répertoire des
prophètes concernant les derniers temps (voir, par exemple
: Isaïe
19, 2; Ézéchiel
38, 18.22 etc
). La perspective a changé. Il ne
sagit plus seulement de la disparition du temple comme édifice
mais de la fin dun monde ancien qui sera remplacé par
un nouveau. À travers tous ces bouleversements, le message
essentiel demeure le même : Ne vous effrayez pas (v.
9).
Ce sera loccasion de rendre témoignage (v. 13).
La deuxième partie du discours
revient à lactualité des communautés
chrétiennes de Luc, les persécutions (vv.
12-19). On a remarqué depuis longtemps que la liste des
instances judiciaires du verset
12 correspond aux déboires de Paul lors de son arrestation
à Jérusalem et de sa captivité à Césarée
(Ac
21, 27 26, 32). Devant ses accusateurs, Paul a toujours
su se défendre avec courage et profiter de loccasion
pour annoncer lÉvangile, exactement comme Jésus
lavait promis : moi-même, je vous inspirerai un langage
et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront
opposer ni résistance ni contradiction (v. 15).
Jésus ne veut pas entretenir
lillusion que le Royaume de Dieu serait déjà
réalisé et donc que les disciples nauraient
plus dobstacles à affronter. Bien au contraire, la
fidélité à lÉvangile suscitera
lhostilité même des proches et des membres de
la famille (v.
16; cf. aussi Lc
14, 26-27), mais cest par votre persévérance
que vous obtiendrez la vie (v. 19).
Cette conclusion est destinée
dabord à soutenir le courage des chrétiens persécutés.
Elle peut aussi trouver son application dans toutes les épreuves
auxquelles les chrétiens sont confrontés tout au long
de lhistoire, jusquà ce que vienne la fin, cest-à-dire
jusquà ce que le Royaume soit parfaitement réalisé.
Voici que vient le jour du Seigneur
(Malachie 3, 19-20a)
Le jour du Seigneur nest pas
un concept facile à définir. Dans le langage des prophètes
il représente le moment où Dieu interviendra pour
établir son Règne et restaurer la création
dans sa splendeur première. Ce moment se situe-t-il dans
lhistoire ou au-delà de lhistoire? Dieu va-t-il
intervenir par lui-même ou par un envoyé, un messie?
Tout cela nest pas toujours clair. Les images qui y sont associées
font souvent référence à des phénomènes
cosmiques, toute la nature est associée à cette grande
transformation. Les infidèles seront jugés et les
justes libérés de tous leurs oppresseurs.
Il est clair que ce langage a inspiré
Jésus et les auteurs du Nouveau Testament dans leur manière
de présenter la venue du Règne de Dieu. Le message
est toujours le même : prenez courage le soleil de justice
se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement
(Ml 3,20).
Travaillez dans le calme
(2 Thessaloniciens 3, 7-12)
Les chrétiens de la première
génération attendaient la venue du jour du Seigneur
dans un délai très bref (voir 1
Thessaloniciens 4, 15). Certains prenaient prétexte de
cette attente pour ne plus travailler et vivre aux dépens
de la communauté (cf. v.
11). Paul proteste contre cette pratique et se donne lui-même
en exemple (vv.
7-9). La persévérance qui donne la vie
(cf. Lc
21, 19) nest pas seulement un sentiment mais une pratique
: travailler à chaque jour pour gagner sa nourriture et aussi
pour contribuer à changer le monde et le préparer
à accueillir le Royaume.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2118. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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