Me suivez-vous toujours?
Renoncer à tout pour suivre Jésus
: Luc
14, 25-33
Autres lectures : Sagesse
9, 13-18; Psaume
89(90); Philémon
9b-10.12-17
Elle est dure, la Parole daujourdhui.
Dure, mais lucide et dynamisante! Jésus nous lance : Pouvez-vous
me suivre? Oui! répondons-nous, enthousiastes. Non,
mais
vraiment? Réplique-t-il, étonné.
Savez-vous ce que cela implique? Assoyons-nous et réfléchissons
un peu
Des conditions irréalistes?
Jésus nous demande de renoncer
à nos êtres les plus chers (14,26).
Nest-ce pas plutôt cruel et destructeur? Ne prêchait-il
pas lamour? Jésus nous demande dêtre prêts
à sacrifier notre vie (14,26). Voilà qui est noble,
mais est-ce à la portée de tous? Jésus veut-il
une Église faite exclusivement de martyrs? Jésus nous
demande enfin de renoncer à tous nos biens (14,
33). Ça va pour le partage charitable, mais comment vivre
en renonçant absolument à « tous » nos
biens? Comme si nos églises nétaient pas assez
vides, le Christ semble vouloir exclure de son cercle de disciples
tout le monde sauf les héros les plus dévoués
: les saints, quoi!
Il nen est rien. Jésus
nexclut personne. Il nous accueille tous à sa suite.
Il se retourne simplement pour voir si nous sommes toujours sur
ses traces. Le chemin de Jésus mène à la croix.
Poliment, il nous avertit à ce sujet, puis nous relance :
« Êtes-vous sûrs de vouloir venir? » Nous
demeurons toujours libres des renoncements auxquels nous consentons
pour suivre le Christ. Rien ne nous est imposé. Mais la pente
peut se révéler abrupte en cours de route. Le Seigneur
aime mieux nous prévenir.
Le poids de la croix
Pourquoi faut-il donc que lombre
dune croix plane sur nos têtes? Parce que, paradoxalement,
le bonheur est impossible autrement. Le renoncement fait partie
de notre croissance et de notre épanouissement. Nous sommes
nés pour grandir, pour devenir plus que ce que nous sommes
demblée. Chacun a des talents à développer,
des sommets à conquérir, et cela requiert effort et
renoncement.
Bien que nous marchions ensemble, chacun
doit faire ses propres pas. Un jour ou lautre, malgré
lamour de nos proches, il faut se retrouver face à
soi, et soulever seul sa propre croix. Renoncer à nos êtres
les plus chers, ce nest pas cesser de les aimer, mais bien
assumer seul le poids de sa croix. Voilà ce que le Christ
attend de nous, car ce geste est fécond pour nous et pour
autrui.
Cette rencontre avec soi ne peut
se réaliser que dans le dépouillement total. Nous
sommes tentés de mesurer nos forces à même nos
avoirs, nos outils, nos réussites passées. Renoncer
à tous ses biens, cest plus que seulement « faire
la charité », cest se détacher de tout
ce qui pourrait nous rassurer quant à notre pouvoir. Lhumain
doit soulever sa propre croix à nu, mains nues.
La rencontre avec soi mène au dépassement
ultime, qui consiste en une décentration de soi pour souvrir
librement à autrui. Cest cela, donner sa vie. Nous
ne pouvons nous offrir que si nous nous appartenons suffisamment
pour disposer librement de nous-mêmes, sans angoisse et sans
mesquinerie. Seuls les gens vraiment libres peuvent se donner sans
se perdre.
Il arrive parfois que le renoncement passe
par un éloignement physique des êtres chers, par une
perte des biens matériels ou même par leffusion
de son propre sang. Ce nest pas toujours le cas. Néanmoins,
il demeure possible pour chacun dentre nous de marcher sur
les traces du Christ en portant sa propre croix. Comme lhomme
qui voulait bâtir une tour, ou comme le roi qui voulait partir
en guerre, il sagit pour nous de prendre le temps de bien
évaluer où nous en sommes, quels sont nos défis,
et quelles sont nos capacités, à quoi nous sommes
prêts. Y avez-vous pensé?
Le chemin des renoncements
Les réflexions des mortels sont mesquines, et nos pensées,
chancelantes; car un corps périssable appesantit notre âme,
et cette enveloppe d'argile alourdit notre esprit aux mille pensées
(Sagesse 9,14-15).
Le sage ne se fait pas dillusion
sur nos capacités tout humaines. Cest pourquoi il sémerveille
de la bonté divine, qui nous révèle gracieusement
la véritable sagesse. Au sommet de cette sagesse donnée
se trouve la croix du Christ. Du libre don de sa vie rejaillit le
bonheur possible pour tous, dès aujourdhui, si nous
savons faire nôtre le chemin des renoncements, et ce, dans
la joie!
Un statut nouveau
Jai quelque chose à te demander pour Onésime,
mon enfant à qui, dans ma prison, j'ai donné la vie
du Christ (...). Je te le renvoie... S'il a été éloigné
de toi pendant quelques temps, c'est peut-être pour que tu
le retrouves définitivement non plus comme un esclave mais...
comme un frère bien-aimé (Philémon
10.15-16).
La demande de saint Paul à
son ami Philémon est exigeante. Se départir dun
esclave acquis légalement représentait une perte économique
considérable à lépoque. Pardonner le
vol et la fuite, ce fut coûteux. Mais le grand défi
fut daccueillir le fuyard comme un égal et un frère
dans la foi. Paul alla jusquà demander à Philémon
de lui envoyer Onésime comme aide, financé. Quel surpassement!
À quoi serions-nous prêts, nous aujourdhui?
Source: Le Feuillet biblique,
no 2108. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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