Un bon
pasteur à imiter
Le pasteur véritable et le mercenaire
Jean
10, 11-18
Autres lectures : Actes
4, 8-12; Ps
117(118); 1
Jean 3, 1-2
Les versets du quatrième évangile proclamés
aujourd'hui sont extraits d'un long chapitre consacré à
la métaphore du berger. On y décrit des comportements
de Jésus qui le qualifient comme « beau berger »,
selon la fascinante tournure du grec.
Des idées bien martelées
Ces lignes d'évangile sont assez redondantes.
Le texte ramène sans cesse les mêmes idées.
Ce procédé de rédaction nous lasse vite lorsque
nous la rencontrons dans un texte en français. Par contre,
dans la Bible, cette manière d'écrire est un procédé
souvent utilisé pour attirer l'attention sur des idées
fortes. En ce temps-là, on avait peu de techniques purement
graphiques pour attirer l'attention. On ne pouvait pas jouer sur
la taille des caractères d'imprimerie: tout était
recopié à la main. On n'imaginait surtout pas qu'un
jour, on effectuerait cette opération de mise en évidence
devenue si banale pour nous : surligner avec une encre de couleur
fluorescente!
Avec les pauvres moyens littéraires
des débuts de l'ère chrétienne, le texte de
l'évangile nous propose en rafale quatre mentions de la
connaissance et cinq mentions du don de la vie. Il est
essentiel de tenir compte de cette saturation du vocabulaire, lorsque
nous voulons interpréter le texte en le respectant.
Des idées bien ciselées
Grâce à la répétition
des termes, les lecteurs voient émerger la signification
de la vie donnée de Jésus: son engagement envers nous
est total... On insiste sur le fait que Jésus nous connaît
de la même manière que Dieu connaît son Fils.
Cette intimité qualifie fortement l'intensité de notre
relation avec lui. Jésus ne nous traite pas comme de vagues
rencontres passagères vite oubliées! Avec une pénétration
parfaite, Jésus nous met en contact intime avec Celui qu'il
connaît... divinement!
Ainsi, l'image d'un Jésus présenté
comme berger est plus qu'une coquetterie exotique. Cette référence
à une activité vitale dans les pays méditerranéens
affirme désormais la contribution indispensable de Jésus
: c'est lui qui nous rassemble; par sa connaissance profonde, il
transforme en fraternité notre dispersion.
L'activité de Jésus,
digne d'un Dieu, correspond pourtant à des besoins humains
fondamentaux. Puisque le pasteur par excellence se préoccupe
constamment de son troupeau, il témoigne d'une considération
de tous les instants pour chaque membre du groupe. C'est le contraire
du comportement mercenaire. Le mercenaire ne se sent pas impliqué
dans une relation durable ou profonde. Il ne prend même pas
la peine de connaître les personnes à qui il a affaire.
Notre culture biblique se limite habituellement
aux textes du Nouveau Testament. Cela peut nous faire oublier que
Jésus se décrit ici en personne qui réalise
pleinement la figure positive du grand discours prophétique
d'Ézéchiel
34. Dans ce chapitre fort étoffé, le prophète
transmet la colère de Dieu devant les mollesses et les négligences
des responsables de son peuple. Mieux encore, Dieu annonce sa volonté
de compenser ces lacunes déplorables en s'investissant personnellement
dans le soin de son peuple. Le texte prophétique établit
sur un ton mordant la nette différence entre les pasteurs
authentiques et les profiteurs indésirables.
Vu sa générosité,
le comportement de Jésus l'associe à cette activité
directe de Dieu en faveur de son peuple. Fort de son expérience
constructive au bénéfice du peuple de Dieu, Jésus
est en droit de disqualifier le travail du mercenaire.
Des idées à incarner dans
nos familles
Jésus donne sa vie, un peu
à la manière d'une mère ou d'un père
qui n'en fait jamais assez pour sa descendance. Le bon berger qui
donne sa vie propose un nouveau standard de qualité : ce
comportement digne de la générosité parentale
dit quelque chose des attentions de Dieu pour chaque personne insérée
dans une relation durable avec lui.
Par un heureux hasard du calendrier, ce
message biblique est proposé en plein dimanche de la Fête
des mères. On a beau dénoncer le battage publicitaire,
rouspéter contre le déferlement de « guimauve
sentimentale », hurler à la commercialisation à
outrance... il reste que le geste d'achat qui devance parfois la
réflexion déclenche un processus de révélation
du sens. En préparant un cadeau pour ma mère, je suis
tôt ou tard renvoyé aux raisons profondes qui me poussent
à participer à la célébration collective.
Le sens de mon geste découle de ma réflexion quant
à la valeur de ce que je célèbre en cette Fête
des mères nord-américaine.
Dans la grande majorité des cas,
le comportement de nos mères est plus proche du comportement
du bon berger que du travail du mercenaire! Belle piste de méditation
pour reformuler le langage de l'évangile en fonction des
préoccupations du calendrier civil...
Mais il y a plus. La Fête des mères
permet de rappeler que l'Église de Jésus ne s'édifie
pas d'abord avec des religieux, des religieuses ou des prêtres.
Le matériau de base de l'Église, le matériau
normal et premier, c'est la famille surgie d'un couple de baptisés
qui vivent un mariage chrétien. Telle est la vocation de
la plupart des baptisés.
Avant de parler de vocations consacrées,
il faut admirer ce qui est le lot de la majorité des baptisés
: la vocation à créer une « Église de
maison », dans l'amour et dans la fécondité.
C'est d'ailleurs dans le mariage chrétien et c'est dans la
famille chrétienne qu'on apprend à vivre l'amitié
quotidienne avec Jésus. C'est là aussi qu'on apprend
à vivre avec d'autres, et qu'on ressent le besoin de faire
communauté, à la fois pour prolonger ce qu'on vit
en famille et pour compléter ce que la famille humaine limitée
ne peut pas nous donner.
Des idées pour le jour de prière
pour les vocations
La proclamation de l'évangile du
bon pasteur vient aussi étoffer le jour de prière
pour les vocations consacrées. Prêtres, diacres, religieux
et religieuses, membres des instituts de vie consacrée, ces
personnes investissent toute leur vie dans des activités
qui soutiennent le tonus quotidien de la communauté chrétienne.
Un prêtre heureux, un diacre en service créatif, des
religieux et religieuses qui témoignent de la valeur de la
vie communautaire, des membres d'instituts de vie consacrée
qui vivent l'évangile dans la profondeur du quotidien: voilà
autant de mises en chair du comportement du bon pasteur de l'évangile.
Alain Faucher, ptre, bibliste
Université Laval, Québec
Source: Le Feuillet biblique,
no 2056. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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et ressuscité
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