Comme
lui, servir par amour
Deuxième annonce de la Passion
Marc
9, 30-37
Autres lectures : Sagesse
2, 12.17-20; Psaume
53(54); Jacques
3, 16 - 4, 3
Notre passage d'évangile fait suite à la profession
de foi de Pierre. Celui-ci reconnaît Jésus comme le
Messie. À la surprise des disciples, Jésus commence
alors à leur enseigner que sa révélation au
monde passe par un chemin de souffrance. Pierre le prend à
part et lui fait de vifs reproches. À son tour, Jésus
le rabroue en linvitant à redevenir disciple. Puis
il appelle la foule avec ses disciples pour les inviter à
renoncer à eux-mêmes, à prendre leur croix et
à le suivre. Cette page dévangile marque un
tournant. Les disciples sont fortement secoués par cette
annonce. Et dans la suite de lévangile, Jésus
délaisse quelque peu les foules pour se consacrer surtout
à ses disciples, pour les préparer aux événements
terribles qui se dérouleront à Jérusalem. Voilà
pourquoi nous le voyons aujourdhui traverser la Galilée
avec ses disciples et il ne voulait pas quon le sache
(Marc 9,30).
Une incompréhension face à
la mort et la résurrection
Pour rassurer les disciples, Jésus
avait dabord pris avec lui Pierre, Jacques et Jean et avait
été transfiguré devant eux (9,
2-10). En leur montrant sa gloire, Jésus voulait leur
révéler par avance que le chemin le conduisant à
la croix débouche sur la résurrection. Mais ils ne
comprirent pas. En descendant de la montagne, ils se demandaient
entre eux ce que voulait dire« ressusciter dentre
les morts » (9,10). Comme dans lévangile
de ce dimanche, on constate une distance entre Jésus et les
disciples. À la transfiguration, ils se parlaient « entre
eux » et ne parlaient donc pas à Jésus.
Aujourdhui, Marc nous dit que les disciples ne comprenaient
pas ces paroles et ils avaient peur de linterroger (9,32).
Quelles étaient donc ces paroles
à propos desquelles les disciples nosaient pas interroger
Jésus ? Les voici : Le Fils de lhomme
est livré aux mains des hommes; ils le tueront et, trois
jours après sa mort, il ressuscitera (9,31). Pour la
deuxième fois, Jésus instruit ses disciples à
propos de sa Passion. Mais ils ont vraiment du mal à accepter
que le projet de Dieu pour lhumanité passe par la mort
de leur maître, par le don sa vie par amour pour nous.
Une incompréhension qui se poursuit
En lisant cette page dévangile,
il serait tentant de condamner lattitude des premiers disciples.
Mais avant de condamner, il importe que les disciples daujourdhui
se demandent quelle est leur réaction en face des croix qui
se dressent dans leur vie. Sommes-nous des chrétiens qui
sont prêts à suivre Jésus quand tout va bien
mais qui cessent de prier quand les choses tournent au vinaigre ?
Quen est-il de notre foi en la résurrection, le mystère
qui est au cur de notre être de disciples du Christ ?
Dans la prière, osons-nous offrir nos questions et nos doutes
au Seigneur de nos vies?
En venant à léglise
ce dimanche, nous vivons une expérience semblable à
celle quont vécue les disciples ce jour-là.
Comme eux, nous suivons Jésus. Comme eux, nous nous retrouvons
« à la maison », la maison de léglise,
avec Jésus ressuscité. Comme autrefois avec ses disciples,
Jésus nous instruit par sa parole. Et comme il la fait
avec les disciples de lévangile daujourdhui
ainsi quavec les disciples dEmmaüs au soir de Pâques,
il nous demande : De quoi discutiez-vous en chemin ?
(9, 33 ; voir Lc
24,17). Les premiers disciples nosèrent répondre
à cette question. Au lieu dessayer de comprendre ce
que Jésus sévertuait à leur annoncer,
ils sétaient réfugiés dans leurs rêves
de pouvoir : sur la route, ils avaient discuté entre
eux pour savoir qui était le plus grand! (v. 34) Comme
elle est grande la distance entre les préoccupations des
premiers disciples et celles de Jésus qui na quune
chose en vue : accomplir la volonté de son Père !
Comme elle est grande parfois la distance entre nos préoccupations
du quotidien et le chemin que Dieu nous propose par la parole de
son Fils Jésus !
La réponse et lexemple de
Jésus
Heureusement pour nous, Jésus est
un bon pasteur. Devant la faiblesse de ses disciples, Jésus
ne pique pas une sainte colère. Observons sa façon
dagir : il sasseoit, appelle les Douze et leur
parle avec amour. Il part de leur désir : Si quelquun
veut être le premier. Il les place devant leur liberté
tout en les invitant à un renversement de leurs valeurs.
Il sagit de cesser de penser à la manière des
hommes pour apprendre à penser à la manière
de Dieu (voir Mc
8,33). Pour être premier dans le cur de Dieu, il
importe dêtre le dernier de tous et le serviteur de
tous (9,35).
Cest ce que Jésus fera lui-même en mourant sur
la croix. « Lui, le Premier, se met à la dernière
place pour servir les hommes » (J. Hervieux, Lévangile
de Marc, p. 135).
Jésus illustre son invitation par « un
geste symbolique, une sorte de parabole en acte » (C.
Focant, LÉvangile selon Marc, p. 357). Pour
nous, ce geste peut être trompeur. En effet, nous aimons les
enfants, nous les chérissons. Rappelons-nous que, dans lAntiquité,
tel nétait pas le cas. Un enfant était vu comme
insignifiant. Comme il était incapable de parler ou de raisonner,
pas question pour lenfant dêtre admis dans la
communauté des croyants. Le renversement que propose Jésus
est tel, que même les exclus qui étaient considérés
comme ne valant rien doivent maintenant être accueillis dans
la tendresse. Jésus ne fait pas que placer lenfant
au milieu des Douze, il lembrasse pour lui signifier son amour.
En mourant sur la croix, Jésus prendra
la place de lexclu. On lui refusera même la mort dun
prophète, la lapidation. On lui réserve la mort des
truands, des criminels et des esclaves. Voilà comment il
veut être accueilli. Mais Jésus ne le fait pas pour
satisfaire un Dieu qui exige la souffrance et qui est assoiffé
de sang. Il le fait pour nous montrer jusquoù va lamour.
Son amour et celui de son Père. Il devient « le
dernier de tous » pour nous montrer ce que signifie être
« le serviteur de tous ».
Un exemple à imiter
Jésus termine son enseignement par
ces paroles : Celui qui accueille en mon nom un enfant comme
celui-ci, cest moi quil accueille. Et celui qui maccueille
ne maccueille pas moi, mais Celui qui ma envoyé
(v. 37). À chaque eucharistie, nous accueillons Jésus
qui se donne à son Église. Cela nous engage à
devenir « serviteur de tous ». Cela commence
chez nous, dans notre propre famille et dans notre communauté
de foi. Saint Jacques demande dans la deuxième lecture :
Doù viennent les guerres, doù viennent
les conflits entre vous ? Nest-ce pas justement de tous
ces instincts qui mènent leur combat en vous-mêmes ? (Jc
4,1).
Prenons donc le temps daccueillir Jésus
qui vient nourrir nos curs par le pain de son corps. Laissons-le
nous apprendre à penser à la manière de Dieu
plutôt quà la manière des hommes. Devenons
comme lui le dernier de tous et le serviteur de tous. Ainsi
nous pourrons accueillir Dieu lui-même, qui nous
appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus
Christ (cf. l'acclamation à lévangile :
2 Th 2,14).
Source: Le Feuillet biblique,
no 2067. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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