Unis dans
l'amour
Le
fils médiateur et le jugement (Jean 3, 16-18)
Autres lectures : Exode
33, 4b-6.8-9;
Cantique
: Daniel 3, 52-56; 2
Corinthiens 13, 11-13
Dieu a tant aimé le monde
C'est le début
de la lecture évangélique et une clé pour entrer
dans la question de la Trinité. Pas pour prétendre
en saisir tout le sens; après tout, n'est-ce pas le propre
d'un mystère que de demeurer insaisissable? Mais bien plutôt
pour approcher le mystère tel qu'il est : non pas un
secret indéchiffrable mais une réalité sans
cesse à découvrir. Ainsi en est-il de l'amour, qui
imprègne l'uvre de l'évangéliste Jean
(évangile, lettres et Apocalypse).
Un problème interne?
L'extrait lu ce dimanche comporte la première apparition
du verbe « aimer » dans l'Évangile
selon saint Jean. Des spécialistes ont fait remarquer
que, dans les écrits de Jean, Jésus insiste surtout
sur l'amour entre les « frères » c'est-à-dire
entre les membres de sa communauté. Chez les autres évangélistes,
l'amour apparaît plus souvent dans une perspective universelle,
englobant tous les êtres humains. On a soupçonné
Jean d'avoir ainsi encouragé la communauté chrétienne
à se refermer sur elle-même. Or, l'auteur Alain Marchadour
(L'évangile de Jean, Paris/Montréal, Centurion/Novalis,
1992, p. 181) suggère plutôt que cette particularité
s'expliquerait par la situation des disciples du Christ à
qui Jean s'adressait. Il se pourrait bien en effet que les membres
de cette communauté vivaient une profonde difficulté
à s'aimer entre eux. C'est pourquoi l'évangéliste
aurait accordé la priorité à l'amour mutuel :
Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes
mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres
(13, 14). Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis
(Jean 15, 12).
« Qu'il est difficile d'aimer »
La difficulté d'aimer n'était pas chose nouvelle
au temps de l'évangéliste. Et c'est encore bien actuel!
L'expérience est d'autant plus pénible lorsqu'elle
affecte les personnes d'un même groupe comme une famille,
une équipe de travail ou une association communautaire. Que
l'on ressente peu ou pas d'amour pour son troisième voisin,
pour une nation étrangère ou pour le livreur de pizza,
cela nous touche bien peu. Mais quand on n'arrive pas à aimer
ses proches, celles et ceux avec qui on partage une tranche de vie,
ça peut devenir dramatique. Lorsque Gilles Vigneault chante,
avec justesse, « Qu'il est difficile d'aimer! »,
il parle de l'amour entre deux personnes qui, « normalement »
devraient s'aimer. D'où la difficulté
Dieu est amour
Aussi, en ce dimanche, le lien d'amour qui unit les trois personnes
de la Trinité s'offre à nous comme le modèle,
l'enracinement de notre propre expérience d'amour. Dieu a
voulu unir l'humanité à cet amour en lui envoyant
son Fils pour le sauver. Le sauver de quoi? Du mal d'aimer qui le
mine et qui étouffe l'espérance. L'élévation
du Fils sur la croix est le signe non pas d'un sacrifice ou d'une
épreuve destinée à purifier le monde du mal
qu'il a commis mais bien celui d'une vie donnée par amour.
Croire au Christ, c'est entrer dans cet amour qu'il partage avec
son Père et avec l'Esprit. Ne pas y croire, c'est se soustraire
à la source d'un amour inépuisable qui fait jaillir
la vie éternelle.
Jean Grou
Bibliste
Diocèse de Québec
Source: Le Feuillet biblique,
no 2015. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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