Le Dieu
des vivants
La
résurrection des morts (Luc 20, 27-38)
Autres lectures : 2
Martyrs d'Israël 7, 1-2.9-14; Ps 16 (17);
2
Thessaloniciens 2, 16 - 3, 5
La foi en la résurrection s'est développée,
dans le judaïsme, au cours des années qui ont suivi
la révolte des Maccabées (autour de 165 avant notre
ère) bien que quelques jalons en ce sens aient été
posés au cours des siècles précédents.
Cependant, cette conviction n'était pas partagée par
tous. Comme il est bien difficile de s'imaginer la résurrection
autrement que sous la forme d'une reconstitution améliorée
du monde actuel, certains prenaient prétexte des difficultés
insurmontables amenées par cette situation pour refuser toute
idée de résurrection ou de vie future. La littérature
extra-biblique est généralement plus explicite que
les écrits canoniques dans ses descriptions de la résurrection
et de ses modalités.
Les interlocuteurs de Jésus
sont présentés comme appartenant au groupe des Sadducéens,
donc liés à l'aristocratie du Temple de Jérusalem.
Ils viennent l'interroger sur un cas-problème, sans doute
fictif, celui de la femme qui a épousé successivement
sept frères (v.
33). En fait, leur vraie question porte sur la possibilité
- ou non - de la résurrection. Cette manière de procéder
est tout-à-fait typique de la tradition rabbinique qui aime
envisager les problèmes à partir de cas concrets.
La parabole de la femme aux sept maris
L'histoire se base sur une législation
du Deutéronome (Dt
25, 5-10) qui codifie sans doute un usage antérieur dont
l'objectif était d'empêcher la dispersion du patrimoine
familial. Nous ne savons pas comment cette loi était mise
en application ni si elle était toujours en vigueur à
l'époque du Nouveau Testament. La force de l'argument tient
au fait qu'il s'agit d'une loi attribuée à Moïse
lui-même. Si la Loi de Moïse prévoit des situations
incompatibles avec l'idée de résurrection, comment
peut-on croire en celle-ci sans entrer en conflit avec la Loi?
La réponse de Jésus : le
cas de la femme aux sept maris
Jésus ne résout pas
le problème posé au v. 33 : cette femme, de qui
sera-t-elle l'épouse? mais il déclare la question
elle-même impertinente. Le monde de Dieu dans lequel on entre
par la résurrection n'est pas la reproduction du monde actuel;
les lois de la nature ne s'y appliquent plus (v.
36) et donc les relations ne sont plus régies par les
règles en vigueur dans le temps des humains (vv.
34-35). Cela ne signifie pas que les liens établis entre
les humains durant leur vie terrestre seront supprimés mais
que toute l'existence sera tellement transformée qu'il est
impossible, durant la vie actuelle, de s'en faire une représentation.
La vie dans l'au-delà est semblable (à celle)
des anges (v.
36), ce qui revient à dire qu'on ne peut ni l'imaginer
ni la décrire. Notons que Jésus n'envisage ici que
la résurrection des justes, le sort des autres n'étant
pas précisé.
La réponse de Jésus : le
fait de la résurrection
Jésus a bien compris que la
vraie question portait sur le fait de la résurrection. Comme
les Sadducéens, selon Josèphe, ne reconnaissaient
que les Cinq Livres de Moïse, il va leur répondre avec
un exemple tiré du livre de l'Exode. Dieu se présente
à Moïse comme le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac,
le Dieu de Jacob (v.
37; cf. Ex
3, 6). À l'époque où la rencontre avec
Moïse est sensée se passer, les patriarches sont morts
depuis longtemps. Comment Dieu pourrait-il être leur Dieu
s'ils ne continuent pas à vivre mystérieusement en
lui? Notre théologie nous a habitués à distinguer
clairement entre la résurrection - croyance d'origine sémitique-
et la survie de l'âme - croyance d'origine grecque. Ce passage
d'évangile lie les deux en une même affirmation de
foi : il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants; tous vivent,
en effet, pour lui (v. 38). Cette réponse de Jésus
ne dissipe pas toutes les obscurités et ne satisfait pas
toutes les curiosités; elle invite plutôt à
accueillir avec confiance le mystère.
Jérôme Longtin, ptre
Diocèse Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 1987. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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