Prophète
d'hier à aujourd'hui
Prédication de Jésus à Nazareth (Lc
4,21-30)
Autres lectures: Jr
1,4-5.17-19; Ps 70 (71); 1
Co 12,31-13,13
Jésus se présente chez lui, à Nazareth, en
terrain familier, et prend la parole à la synagogue. C'est
d'abord l'émerveillement. Mais soudain, tout bascule. «
Comment un des nôtres se permet-il de nous faire la leçon?
» semblent dire ses auditeurs. Jésus en rajoute, soulignant
leur mauvaise foi, ce qui déclenche leur hostilité.
Que retenir d'un tel récit? Qu'est-ce que l'évangéliste
Luc nous dit de Jésus, de Dieu et de son salut? Quel intérêt
l'auteur avait-il à rapporter cet apparent faux-pas dans
la prédication du Maître? En quoi sommes-nous concernés
comme chrétiens et chrétiennes par ce qui se déroule
à Nazareth?
La mise en scène de Luc donne
le ton à l'ensemble de la prédication de Jésus.
Ce qui survient à l'échelle locale, à Nazareth,
se répétera à l'échelle nationale. Les
autorités de Jérusalem, bientôt suivies par
la population, s'en prendront au Christ et chercheront à
l'éliminer. Autrement dit, ce qui devrait constituer un terrain
propice à accueillir la parole de Dieu se révèle
au contraire réfractaire à l'annonce du salut. Originaire
de Nazareth, Jésus était en droit de s'attendre à
trouver une oreille favorable. Il n'en fut rien. Se tournant vers
Jérusalem, la ville sainte, Jésus pouvait espérer
rallier les coeurs de ses citoyens. Il a plutôt connu humiliation
et torture.
L'annonce du Règne ne va donc
pas de soi. Rien n'est gagné d'avance. Le terrain propice
à laisser germer la Parole n'est pas toujours celui qu'on
s'imaginait. Jésus en donne deux exemples: une étrangère,
la veuve de Sarepta accueille le prophète Élie; ce
dernier guérit de sa lèpre un autre étranger,
Naaman. Ailleurs, il mentionne la ville de Ninive, que Jonas, à
son corps défendant, a réussi à convertir (Luc
11, 19-35). La Parole de Dieu trouve parfois un ancrage là
où on s'y attendrait le moins. Et il arrive que les milieux
qu'on croirait les mieux disposés se révèlent
absolument réfractaires. L'amour de la Parole a ses risques.
Un deuxième élément
ressort de cet épisode de l'évangile: la Parole de
Dieu bouscule. Dans la bouche de Jésus, elle résonne
avec une telle nouveauté que son auditoire s'en trouvé
choqué. Autrement dit, lorsqu'une parole devient routine,
qu'elle ne sert qu'à confirmer ses certitudes ou à
endormir les consciences, est-elle Parole de Dieu? Bien sûr,
il ne s'agit pas de tomber dans la provocation systématique
et gratuite. Mais l'autre extrême n'est guère mieux.
Par notre baptême, nous partageons la condition prophétique
du Christ. Sans chercher à obtenir le même effet que
Jésus à Nazareth, nos prises de paroles en son nom
sont-elles de nature tout au moins à susciter le changement
dans le sens du Royaume?
Jean Grou
Source: Le Feuillet biblique,
no 1825. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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