Les ivoires étaient incrustés dans un ameublement, peut-être un canapé-trône (photo © Eliyahu Yanai, Cité de David).
Des ivoires de Samarie à ceux de Jérusalem
Sylvain Campeau | 24 octobre 2022
Ceux et celles qui s’intéressent à l’archéologie connaissent probablement les ivoires de Samarie : des plaques décoratives finement taillées et intégrées à du mobilier. Des fouilles entreprises à Jérusalem ont permis de découvrir plusieurs fragments de plaques semblables sous le stationnement Givati (dans la cité de David).
C’est une découverte importante selon les chercheurs de l’Université de Tel Aviv et ceux de l’Autorité israélienne des antiquités car les objets d’ivoire étaient rares à l’époque du Premier Temple. Le matériau était difficile à obtenir et seuls quelques artisans spécialisés pouvaient en faire de véritables œuvres d’art. À cela, il faut ajouter le prix des objets ouvragés qui étaient destinés à l’élite.
Les fragments ont été trouvés dans les ruines d’une maison des 8e ou 7e siècles avant notre ère. Comme le démontrent ces objets précieux, la maison était habitée par des gens de la noblesse ou de la cour royale. Mais rien dans les décombres ne permet de préciser davantage.
Après un travail minutieux de restauration et d’assemblage des fragments (plus de 1500), les experts ont reconstitué une douzaine de plaques carrées d’environ 5 x 5 cm. Les décorations sont constituées essentiellement de motifs végétaux (arbre stylisé et lotus par exemple) et géométriques. « La rosace et l’arbre étaient des symboles populaires dans le répertoire visuel mésopotamien et dans d’autres centres culturels » selon Ido Koch et Reli Avisar de l’Université de Tel Aviv. L’élite du royaume de Juda a donc adopté ces symboles qui étaient en accord avec leur foi monothéiste. Les objets n’ont probablement pas été produits sur place. « Les ivoires ont pu arriver à Jérusalem comme un cadeau de l’Assyrie à la noblesse de Jérusalem » expliquent les directeurs des fouilles Yuval Gadot et Yiftah Shalev. Cela démontre le statut et l’importance de Jérusalem quand elle était sous le contrôle de l’empire assyrien.
Plaque avec lotus et palmette, Megiddo, strate VIIA, bronze tardif IIB, 1300-1200 avant notre ère. Ivoire avec incrustation de pâte bleue. Oriental Institute Museum, Université de Chicago (Daderot / Wikimedia).
En Israël, on connaissait les ivoires de Samarie et de Megiddo. Les fragments de Jérusalem s’ajoutent à cette collection du Musée d’Israël. L’état fragmentaire des plaques d’ivoire et les traces de suie sur certains morceaux démontrent qu’ils sont les témoins d’une destruction violente : les archéologues pensent à la conquête babylonienne de la ville sainte survenue en 586 avant notre ère, une hypothèse plausible puisqu’elle est en accord avec la datation des ivoires qui ont été fabriqués bien avant cet événement tragique.
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.