Le Dôme du Rocher est bien visible dans cette vue panoramique (photo : PxHere).
Le troisième Temple
Sylvain Campeau | 17 septembre 2018
On entend parfois parler, dans les actualités, de la construction d’un nouveau sanctuaire juif à Jérusalem, sur le « mont du Temple », un espace sacré actuellement occupé principalement par deux bâtiments importants pour les musulmans : la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher. D’où vient ce projet et comment pourrait-il se réaliser sans provoquer de vives tensions au Proche-Orient?
Un peu d’histoire
Le roi David a fait de Jérusalem la capitale de son royaume mais ne réalisera pas son projet d’y construire une maison (un temple) pour Yahvé, comme le lui avait annoncé le prophète Nathan :
En effet, quand ta vie sera finie et que tu auras rejoint tes ancêtres, je désignerai un de tes fils. Il sera roi après toi, et j’établirai solidement son pouvoir. C’est lui qui me construira ma maison, et grâce à moi son pouvoir royal sera établi pour toujours. (2 Samuel 7,12-13)
C’est son fils Salomon qui a construit le premier Temple (10e siècle avant notre ère) qui sera détruit par l’armée babylonienne vers 587-586 avant notre ère. L’élite du peuple juif fut alors déportée à Babylone par le roi Nabuchodonosor.
Au retour de l’exil autorisé par Cyrus, le roi de Perse, un deuxième Temple a été élevé par Zorobabel, petit-fils du roi de Judée, Joachim. C’est ce même sanctuaire qui a été restauré et agrandi par Hérode le Grand mais complètement détruit par les Romains, en 70 de notre ère, lors de la première révolte juive.
Les temps messianiques
Le troisième Temple ou Temple d’Ézéchiel est, selon la tradition juive, le sanctuaire de Jérusalem qui doit être reconstruit avant le retour du messie. Prophétisé après la destruction du premier Temple, dans les derniers chapitres du livre d’Ézéchiel (Ez 40-47), ce temple nouveau est un sujet d’actualité pour plusieurs juifs. Un institut à Jérusalem prépare sa construction depuis plusieurs années. Selon nos sources, les objets rituels du Temple seraient même déjà prêts. L’Institut du mont du Temple a aussi réalisé une modélisation en trois dimensions du futur sanctuaire.
Une taxe restaurée
Tout semble prêt pour la construction mais pour financer le projet, l’ancienne dîme d’un demi-sicle (voir Ex 30,15) a été restaurée. Pendant la période du second Temple, cette taxe annuelle était utilisée uniquement pour les besoins du sanctuaire. Or, puisque tout est prêt pour la reconstruction, les juifs ont de nouveau la possibilité de s’acquitter de cette dîme. Un médaillon d’une valeur d’un demi-sicle est en circulation et il est de plus en plus réclamé à travers le monde. Le projet semble donc prêt à être lancé et David Lau, le grand rabbin d’Israël, se veut rassurant : « Pour le construire, il ne serait pas nécessaire d’enlever l’un des lieux saints musulmans qui se trouvent sur le mont du Temple, où il y a beaucoup de place pour les juifs, les chrétiens, les musulmans, tout le monde. » [1]
Ce point de vue n’est pas partagé par une majorité de Palestiniens. Le mont du Temple qui abrite le troisième lieu le plus saint de l’islam est au cœur du conflit israélo-palestinien sur la souveraineté et la terre. La construction d’un sanctuaire juif dans cet espace sacré serait un autre empiètement de l’État israélien sur leur territoire. Les négociations seront donc très difficiles et le projet risque d’être bloqué encore longtemps.
Diplômé de l'Université de Montréal, Sylvain Campeau est bibliste et responsable de la rédaction.
[1] Propos du rabbin rapportés par The Times of Israël en juin 2016.