chronique du 7 décembre 2007
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Toute une balade en CisjordanieAprès avoir visité le site de Tell el-Farah, situé en Cisjordanie, mon amie Lucie et moi avons voulu nous diriger vers la ville de Naplouse, une des villes palestiniennes les plus importantes. En taxi collectif, le trajet aurait dû ne prendre que quelques minutes, mais il s’est transformé en une balade interminable et assez rocambolesque! En voici les grandes lignes. Cette camionnette dans laquelle nous étions montés Dans le village de Farah, des gens nous avaient offert de nous héberger pour la nuit, car comme il était déjà tard il n’y avait aucun taxi collectif avant le lendemain. Nous avons néanmoins rencontré quelqu’un qui partait en direction de Naplouse avec sa camionnette transportant deux passagers et des pièces de voitures, et il restait assez de place pour Lucie et moi. Nous roulions depuis quelques minutes seulement lorsque le conducteur de la camionnette, apercevant au loin une jeep de l’armée israélienne venant en notre direction, se rangea rapidement sur la gauche, appliqua brusquement les freins, ouvrit la portière, et s’enfuit de la camionnette en courant. Il n’avait même pas pris le temps de tirer le frein à main de sorte que notre véhicule, arrêté sur un terrain en pente, se mit à reculer jusqu’à ce qu’un des passagers se jette sur le frein à main. Tout ça s’est passé en quelques secondes seulement. Le Palestinien situé du côté passager prit place sur le siège de gauche et, lorsque les militaires israéliens arrivèrent, mitraillette à la main, il prétendit être le conducteur. Nous avons alors compris que ce dernier était recherché par la police et les militaires nous ont demandé si nous savions que nous étions dans un véhicule volé. Quelle question! Ils nous firent tous sortir, nous demandèrent nos papiers et nous questionnèrent à tour de rôle. L’atmosphère était extrêmement tendue. Au dessus de nous, des enfants palestiniens juchés sur les toits semblaient attendre le moment opportun pour jeter des pierres aux militaires. Ces derniers ne semblaient pas les voir. On avait la réelle impression que la situation pouvait dégénérer d’une seconde à l’autre. Fort heureusement, il n’en fut rien. Après que les militaires aient saisi la voiture et qu’ils nous aient redonné nos papiers, on a pu repartir librement… mais à pied! Et pour se rendre à Naplouse il fallait franchir la montagne.À pied au milieu de nulle part,
et il reste à franchir On avait à peine commencé à marcher qu’on entendit un sifflement discret près de nous : le conducteur palestinien recherché s’était trouvé une cachette, s’excusait pour le contretemps, et nous promettait de trouver un autre véhicule pour nous emmener à destination aussitôt les militaires éloignés! Évidemment, nous n’étions pas pour rester là! Après l’avoir remercié, nous nous sommes remis à marcher. En Cisjordanie, l’auto-stop fonctionne bien et on n’attend généralement pas longtemps avant qu’un automobiliste se propose de nous reconduire. Mais des jeeps de l’armée patrouillaient dans la région ce jour-là et parce que les Palestiniens voulaient les éviter, on a dû changer sept fois de voitures, et parfois de directions, avant d’arriver, non pas à Naplouse, mais seulement au pied de la montagne au-delà de laquelle se trouvait Naplouse... Là, on est monté dans un taxi collectif qui allait traverser la montagne par un chemin très accidenté. La nuit tombait. Lorsque, à moitié chemin, la camionnette s’est arrêtée, que des Palestiniens sortis de l'ombre sont entré dans la camionnette à toute vitesse après avoir attendu le signal du conducteur, on a compris que ce passage vers Naplouse n’était visiblement pas très légal! Et comme ce n’était pas le moment de faire une crevaison, c’est exactement ce qui nous est arrivé! Une crevaison sur une route illégale... De l’autre côté de la montagne, le chauffeur de la camionnette nous a laissé au poste de contrôle israélien aux abords de Naplouse. Mais le poste était fermé pour la nuit, et nous avons dû rebrousser chemin à pied jusqu’au plus proche village où nous avons fait la connaissance d’un petit groupe de Palestiniens qui nous ont chaleureusement offert un repas et un gîte pour la nuit. Le lendemain, nous avons retenté notre chance au poste de contrôle de Naplouse. La ville était bouclée, en principe personne ne pouvait ni y entrer ni en sortir, mais après avoir parlé aux militaires israéliens, on nous a laissé passer. Nous n’avions plus qu’à marcher encore un peu, et nous serions à Naplouse. Alors que nous étions tout près du camp de réfugiés de Balata, en périphérie de Naplouse, quelques enfants Palestiniens coururent vers nous en criant joyeusement en arabe : « Nous avons quatre martyrs! Quatre martyrs! ». Nous avons compris plus loin ce qui s’était passé et pourquoi Naplouse avait été bouclée : pendant la nuit, l’armée israélienne avait fait une de ces « attaques ciblées » ; à partir d’un hélicoptère (ou d’un F16?), un missile a été lancé sur une voiture dans laquelle se trouvaient quatre Palestiniens membres du mouvement de résistance des Martyrs d'Al-Aqsa. Voici la voiture, quelques heures seulement après l’attaque. Cible d’une attaque aérienne, cette voiture ensanglantée attire les passants. Beaucoup de piétons et d’automobilistes s’arrêtaient afin de regarder les débris de la voiture qui avait été bombardée. Le corps des quatre occupants avait été enlevé, mais la voiture était pleine de sang et des éclats d’ossements et des lambeaux de chair étaient récupérés dans un petit sac de plastique suspendu à la carcasse. J’ai évidemment demandé à un des Palestiniens qui se trouvaient là s’il voyait objection à ce que je prenne quelques photos, car l’atmosphère était très tendue et ce n’était vraiment pas le temps de faire un faux pas… Dans des moments comme ça, les étrangers ne sont pas toujours vus d’un bon œil… D’ailleurs, quelques minutes plus tôt, alors que Lucie et moi marchions vers la ville, une voiture avait foncé droit sur nous et nous avait évité au dernier moment, sans doute une façon de nous faire savoir que nous n’étions pas les bienvenus... Le cortège funéraire. Photo prise de la fenêtre de mon auberge Quelques heures plus tard, les corps des victimes de l’attaque de la nuit précédente ont été transportés dans un cortège funéraire, avec drapeaux, mitraillettes et coups de feu. La « balade » était terminée. Article
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